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Gauche ouvrière et chrétienne
24 décembre 2007

Amara crispe les associations

STÉPHANIE BINET

QUOTIDIEN : lundi 24 décembre 2007

Un mois avant qu’il soit rendu public, et avant même d’être finalisé, le plan Marshall pour les banlieues de la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, Fadela Amara, fait déjà couler beaucoup d’encre, suscite des craintes et des polémiques. Depuis septembre dernier, après que la ministre eut présenté la méthodologie de son plan «antiglandouille» au Conseil des ministres, près de 160 rencontres territoriales ont été organisées dans différents quartiers de France (Libération du 16 novembre). Un tour de France pour un énième diagnostic sur trois axes «voulus par le Président» : l’accès à l’emploi des habitants, le désenclavement et la fin de l’isolement des quartiers, l’éducation et la réussite.

Doléances. Fadela Amara remettra sa copie le 22 janvier en présence de Nicolas Sarkozy dans une ville symbole : Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise, qui a connu la première émeute urbaine en 1979 et une des plus emblématiques de celles qui suivront, en octobre 1990. «La reconnaissance des efforts fournis pour répondre à la crise des banlieues», selon son maire, Maurice Charrier, (ex-PCF). «Un coup de com pour tuer un symbole», selon l’association AC le feu de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), créée après les trois semaines de violences urbaines de novembre 2005. C’est cette association qui émet les critiques les plus virulentes.

Les membres d’AC le feu avaient eux-mêmes effectué un tour de France de janvier à juin 2006 pour recueillir les doléances des habitants des quartiers et des centres-villes afin de remettre, en octobre 2006, leurs propositions aux différents groupes parlementaires de l’Assemblée. «Amer que les élus de la République n’aient pas pris en considération les propositions des habitants qu’ils avaient recueillis», AC le feu ne veut plus «laisser faire et dire n’importe quoi sur la banlieue».

Dernière cause de leur courroux, la récente analyse de la secrétaire d’Etat sur le problème numéro 1 des quartiers : l’ennui. Lundi, la ministre rendait public la synthèse des 11 000 messages laissés par des jeunes sur son blog Pour ma ville (1) en déclarant : «Les jeunes s’ennuient, nous allons leur donner les moyens d’être les acteurs de leur ville.»

Du coup, vendredi, AC le feu et un collectif d’associations, dont Génér’Actions unies de Fresnes (Val-de-Marne), Droit de cité de Sarcelles (Val-d’Oise), Grigny Jeune Espoir (Essonne), les Enfants de Don Quichotte, le Collectif antidémolition d’Ile-de-France, donnaient une conférence de presse pour demander un débat public et télévisé à la secrétaire d’Etat : «Les déclarations de Fadela Amara ne présagent rien de bon, s’inquiète Fatima Hani, secrétaire nationale d’AC le feu, nous voulons en savoir plus sur les financements de ce plan. Pour l’instant, c’est l’opacité. Et puis on se retrouve aujourd’hui avec quelqu’un qui nous parle d’ennui, alors que c’est une des mille conséquences des problèmes des quartiers. Il y a urgence à prendre les problématiques dans leur ensemble.»

«Citoyens». Nabil Koskossi, de Droit de cité à Sarcelles, s’étonne ainsi qu’à l’approche des municipales, «on n’ait pas encore émis l’idée d’adjoint au maire uniquement chargé de l’emploi dans des villes ou plus des 40 % de chômeurs ont moins de 25 ans». A Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), qui a connu des émeutes en 1997 après la mort d’un adolescent tué par un policier, on accorde aussi peu de crédit au prochain plan banlieue : «Comment voulez-vous qu’il en soit autrement, s’amuse Samir, porte-parole de l’association Bouge qui bouge, quand on entend que notre problème numéro 1, c’est l’ennui. On se fout de nous. A la limite, on ne demande rien, on exige, en tant que citoyens français, d’avoir les mêmes droits que tout le monde.» Maire UMP de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), Pierre Cardo espère en priorité que le plan banlieue ne va pas «tout chambouler». «On n’a pas encore eu le temps d’évaluer les mesures prises pour l’insertion. Les dispositifs parfois très lourds du plan Borloo qui donneront des effets à moyen terme ne sont pas encore mis en route partout.» Il souhaite que le plan compensera la baisse de budget pour les emplois aidés : «Ils étaient 260 000 en 2006, 220 000 en 2007. J’ai aussi alerté Fadela Amara sur le fait que 500 millions d’euros avaient été rendus au Conseil de l’Europe, car on n’avait pas su les utiliser, et je souhaite qu’elle fasse comprendre au Président qu’il faut qu’on nous verse la DSU, dotation de solidarité urbaine. Ce plan banlieue va peut-être nous sauver.»

Quant au débat télévisé demandé par AC le feu, la secrétaire d’Etat n’a pas l’air pressé de donner de suite.

(1) http://pourmaville.skyrock.com

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