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Gauche ouvrière et chrétienne
26 mars 2007

Québec: le savoir-vivre ensemble

Nos amis ,nos"frères ",québécois sont eux aussi en pleine élections et comme par hasard,ils ont semble-t-il certains problèmes qui sont le reflet des nôtres.
Mais,ils sont plus accueillants que nous et là-dessus nous pourrions prendre modèle.

Mais,nous vous laissons lire et réfléchir sur la façon dont ils ont contourné l'immigration ,l'intégration , la coexistence et aussi pouvoir garder leur culture,leur spécificité.

Le Président de la G.O.C.

Québec: le savoir-vivre ensemblede notre envoyé spécial Jean-Michel Demetz

Questions d'identité, gestion de l'immigration, heurs et malheurs de la réforme de l'Etat, débats passionnés et promesses floues sur la protection de l'environnement, ascension inattendue d'un troisième homme dans la course au leadership… Le 26 mars, les électeurs québécois choisiront leurs députés à l'Assemblée nationale de la Belle Province et, ce faisant, un nouveau Premier ministre. Les enjeux de la campagne électorale outre-Atlantique évoquent en miroir, d'une manière troublante, les affrontements de l'élection présidentielle française. Avec, il est vrai, des réponses différentes. C'est pourquoi L'Express a voulu regarder de plus près cette campagne 2007 au Québec. Faut-il imposer des règles aux minorités? A l'approche des élections législatives de la Province, un petit village a ouvert le débat sur la coexistence des cultures en terre d'immigration

 

            
 
     

Entre le lac au Castor et le lac à la Tortue, la bourgade d'Hérouxville (1 300 habitants) aligne paresseusement ses maisons de bois aux teintes pastel le long de son unique rue. «Ne roulez pas trop vite, nous avait-on prévenu à la mairie en nous envoyant l'itinéraire, sinon, vous pourriez dépasser le village sans vous en rendre compte.» Montréal, l'agglomération vibrionnante et cosmopolite, n'est qu'à 200 kilomètres au sud. Mais elle pourrait aussi bien être sur un autre continent tant tout, ici, dans cette clairière défrichée au milieu de la forêt, évoque un Québec profond, rural, endormi sous la neige.

Seul le passage du train de marchandises qui, deux fois par jour, traverse le centre du bourg sans s'arrêter apporte un peu d'animation. C'est pourtant ce même village qui a brutalement fait irruption dans la campagne pour les élections à l'Assemblée nationale du Québec, le 26 mars. Et attiré l'attention des médias des deux hémisphères. Pas peu fier de son coup, le conseiller municipal André Drouin, à l'origine de la polémique, ne cesse de jouer l'étonné: «Ça n'arrête pas: je viens de parler à une radio de New York et, tout à l'heure, c'est un journal de Nouvelle-Zélande qui va m'appeler. J'ai dû toucher une corde sensible, non?»

Tout remonte au 25 janvier dernier. Ce jour-là, le conseil municipal adopte une batterie de «normes de vie». Les autorités d'Hérouxville décident ainsi d'interdire à l'école le port du kirpan (petit couteau que les sikhs doivent porter sur eux en tout temps), le fait de se masquer le visage, «sauf pendant Halloween», ainsi que la lapidation des femmes. Elles précisent que les garçons et les filles peuvent nager ensemble dans les piscines, que les femmes ont le droit de signer des chèques et de conduire des voitures, que les arbres de Noël continueront à être illuminés et que les Hérouxvillois mangent parfois du bacon au petit déjeuner. Un catalogue incongru, qui mêle évidences et provocations. Mais le texte - sans valeur juridique - déclenche d'emblée un débat dans toute la province. Faut-il imposer des règles aux immigrants? La «société d'accueil» québécoise, fière d'être une terre d'immigration choisie, est-elle trop laxiste? Qu'est-ce qu'être québécois?

«Pas disposés à la lâcheté culturelle»

Hérouxville ne compte qu'un seul immigrant «visible», arrivé d'Haïti, voici trente ans et parfaitement intégré. Mais cela ne déconcerte pas le conseiller Drouin. Cet ingénieur à la retraite avoue sa peur devant les ratés de l'intégration en Europe et le développement de communautés séparées à Vancouver et à Toronto. Parce que Montréal capte aujourd'hui l'immense majorité des flux migratoires du Québec, les autorités provinciales voudraient diriger les nouveaux arrivants vers les zones rurales. Il faut donc s'y préparer, argumente l'élu, en réaffirmant que «nous sommes accueillants, certes, mais pas disposés à la lâcheté culturelle». «Il y a trente ans, nous nous battions pour protéger la langue française, renchérit Roger Lefebvre, un Hérouxvillois. Nous avons gagné. Aujourd'hui, c'est notre identité qui est en jeu.»

 

1 immigré sur 10 habitants

706 965 Québécois sont nés à l'étranger, sur un total de 7 125 589 habitants, soit 9,9% de la population.
Pour l'ensemble du Canada, ce pourcentage grimpe à 18,4%. Entre 1996 et 2001, la population de la province s'est accrue de 1,1%; la population «native», de 0,6% seulement, et la population immigrante, de 6,4%.

En 2006, le Québec a accueilli 44 686 immigrants.
85% d'entre eux se sont établis dans la région métropolitaine de Montréal. En 2005, le Canada, dans son ensemble, a reçu 262 236 immigrants.

40% des Québecois nés à l'étranger sont d'origine européenne
27% viennent d'Asie, 21% des Amériques, 12% d'Afrique. Les cinq principaux pays d'origine en 2005 sont la Chine, la France, l'Algérie, le Maroc et la Roumanie.

Un certain nombre de décisions adoptées à Montréal au cours de ces derniers mois ont, il est vrai, ému la société québécoise. Elle se fondent toutes sur ce que l'on nomme, en droit canadien, l' «accommodement raisonnable». Venue, à l'origine, du droit du travail, cette pratique, à l'opposé du dogme français de l'égalitarisme républicain, consiste à corriger l'atteinte aux droits de la personne - la liberté de religion, par exemple - ou l'inégalité qu'une application stricte de la loi pourrait entraîner. Une des affaires récentes a ainsi mis en cause le droit d'un jeune sikh du Québec âgé de 12 ans de porter à l'école son couteau rituel, le kirpan, en dépit du règlement. La Cour suprême a fini par accorder cette dérogation à l'adolescent, à condition que le couteau soit cousu dans un fourreau à l'intérieur du vêtement. Dans le même souci d'apaisement, les juges ont attribué à des enseignants juifs le bénéfice de jours de congés payés supplémentaires pour certaines fêtes religieuses. La municipalité d'Outremont a accepté la pose sur la voie publique, dans un quartier habité par des juifs orthodoxes de Montréal, d'un fil symbolique, l'erouv, qui, selon leur rite, permet d'échapper aux obligations religieuses trop lourdes.

Ces cas ont suscité des controverses, qui sont plus ou moins retombées. Mais ce sont des affaires plus récentes qui ont exaspéré l'opinion. Ainsi, la direction d'un complexe sportif a accepté de faire opacifier les baies vitrées de son gymnase à la demande de juifs hassidiques choqués de voir depuis une école juive des femmes en collants et prêts à payer ces travaux. Un couple s'est vu refuser l'accès à un centre public dispensant des cours prénataux destinés en principe aux futurs parents, parce que les musulmanes présentes ne voulaient pas qu'un homme y assistât. L'organisme chargé de la délivrance des permis de conduire a autorisé des ultrareligieux à exiger d'avoir un examinateur masculin. Un texte interne de la police montréalaise a, par ailleurs, enjoint aux policières de laisser leurs collègues masculins procéder à l'interpellation de ces mêmes ultrareligieux. «Nous avons dénoncé ces glissements de l'administration, car l'égalité des droits entre l'homme et la femme n'est pas négociable et il n'est pas acceptable de remettre en question l'autorité d'une agente en raison de son sexe», explique Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec. «Nous nous sommes trompés en pensant que l'évacuation du religieux de la sphère publique, cette conquête de la Révolution tranquille des années 1960, était acquise, regrette Marie-Michèle Poisson, vice-présidente du Mouvement laïque québécois. Pourtant, la grande majorité des immigrants est athée ou laïque.» Et de dénoncer la récente décision d'une école publique de dispenser, à la demande de leurs parents, certains enfants de cours de musique parce que le Coran prohiberait des instruments…

Les responsables politiques n'ont pas voulu trancher

A contrario, une fillette de 11 ans a été expulsée d'un match de football, il y a quinze jours, à Laval, car elle portait un hidjab - un risque pour sa sécurité, a estimé l'arbitre.Ce grand désordre sur la question des droits des communautés est largement imputable au silence des responsables politiques, lesquels n'ont pas voulu fixer une ligne claire. Significativement, le Premier ministre du Québec, le libéral Jean Charest, a d'abord minimisé l'affaire d'Hérouxville - «un cas isolé», a-t-il dit - avant de virer de cap et d'annoncer la création d'une commission d'enquête sur les accommodements raisonnables. Entre-temps, il est vrai, d'autres villages avaient annoncé leur désir d'adopter le code d'Hérouxville. Le chef de l'opposition officielle, l'indépendantiste André Boisclair, à la tête du Parti québécois (PQ), a, lui aussi, pris ses distances: «La vraie lumière rouge sur le tableau de bord, a-t-il déclaré, lors d'un meeting, ce n'est pas le débat sur l'accommodement raisonnable, c'est le chômage chez les jeunes des minorités visibles et des immigrants.» Une réaction logique, selon Jacob Levy, professeur de sciences politiques à l'université McGill: «Le PQ tente de convaincre le Canada anglais que le nationalisme québécois n'est pas un chauvinisme.» Seul le troisième homme de la campagne, l'autonomiste Mario Dumont, a exprimé son soutien en promettant, s'il gagnait à l'issue du scrutin, une «Constitution québécoise» afin de définir «nos valeurs communes». Depuis, son parti ne cesse de monter dans les sondages.

 

Nul n'ose demander ouvertement un arrêt de l'immigration. La prospérité du pays comme le vieillissement accéléré de la population contribuent au maintien du consensus en sa faveur. Pour avoir vanté un programme nataliste, au motif que, «sinon, les ethnies vont nous envahir», un candidat de l'Action démocratique du Québec, le parti de Dumont, Christian Raymond, a été débarqué sur-le-champ. A en croire Jack Jedwab, président de l'Association d'études canadiennes, l'écho qu'a reçu le débat sur les accommodements prouve, en réalité, que c'est le procès du multiculturalisme qui s'amorce. «Dans le reste du Canada, souligne Jedwab, il n'existe pas de majorité culturelle: à Toronto, tout le monde vient d'ailleurs. Au Québec, forte de son enracinement dans l'Histoire, la majorité francophone peut se définir plus facilement et, du coup, des voix peuvent réclamer moins de tolérance envers la diversité.» Jedwab, comme d'autres, s'en inquiète et pointe ce qu'il nomme l' «absence d'inclusion raisonnable» des «minorités visibles», dans l'Etat comme à l'Assemblée nationale (2 députés sur 125), qui pourraient, dès lors, prévient-il, être tentées de quitter la province pour le Canada anglais. Au Conseil musulman canadien, Najat Mustafa joue la conciliation: «Nous ne voulons pas nous imposer d'une façon qui irrite nos citoyens, assure-t-elle. Mais l'intégration intelligente consiste à ne pas nous demander de trop abandonner de nous-mêmes.»

Avocat montréalais réputé, Julius Grey a défendu avec succès sikhs et hassidim. Cela ne l'empêche pas de s'alarmer d'une montée de la méfiance de ses compatriotes envers «les autres.» D'autant que le juriste constate, dans le même temps, «un renforcement des lobbys ethniques qui, de l'école à l'hôpital, développent des institutions séparées et découragent les mariages mixtes». Cet admirateur déclaré de l'idéal républicain français en tire pourtant une conviction paradoxale: «L'accommodement raisonnable doit être protégé, car c'est le meilleur instrument pour assimiler l'immigrant en douceur.»

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