Hezbollah contre Israël : Le conflit libanais ou le début de l'affrontement du " Satan contre Satan "
Le Hezbollah n'est rien d'autre que la vitrine de Téhéran
dans la guerre qu'un certain nombre de pays musulmans ont déclaré au monde
occidental dans son ensemble.
A l’instigation de son président Ahmadinejad, l’Iran s’était enfoncé dans une
confrontation avec les pays occidentaux qui rendait crédible une menace
réciproque assortie de la part de Téhéran d’un chantage au nucléaire qui se
poursuit.
Dans plusieurs discours enflammés, le jeune président islamiste de l’Iran
s’était opposé à la communauté internationale au nom de l’ensemble des pays
islamiques qu’il tentait de rallier sous sa bannière religieuse et politique.
Mais la plupart des pays du Proche-Orient se sont bien gardés d’approuver ou de
désapprouver l’intransigeance de Téhéran, chacun préférant regarder midi à sa
porte et porter sur la situation d’ensemble, y compris sur le problème
israélo-palestinien, un regard lié aux incidences possibles pour eux –mêmes
d'une interférence qui heurte les sentiments nationaux.
La Jordanie, l’Irak, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, voire la Malaisie ou
l’Indonésie ne sont pas les adeptes du même Islam, ou comme le précisait un
journaliste indonésien, " …il existe un Islam légaliste et un Islam
mystique… " Or les plus radicaux d’entre les islamistes tendent à
privilégier une lecture non interprétative du Coran dont beaucoup de
recommandations pratiques de la vie quotidienne étaient liées à des
comportements sociologiques d’une époque passée et révolue. Le clivage
légaliste/mystique croisé avec la fracture chiite/sunnite n’aide pas à
promouvoir une unité d’action du monde musulman. Loin de contribuer à
rassembler les initiatives, le chantage iranien au nucléaire avait pris décidément
une tournure inquiétante dans la mesure où Téhéran affichait sa détermination à
poursuivre son programme d’enrichissement de l’uranium en liant ce problème au
soutien aux palestiniens les plus radicaux. ainsi qu'à celui du Hezbollah
libanais.
De leur coté, les Etats-Unis et l’Europe sont parvenus à convaincre la
Russie et la Chine d'accepter le transfert du dossier nucléaire iranien au
Conseil de Sécurité des Nations Unies sous réserve que l’instance des « Grands
» ne trancherait pas sur ce dossier avant un mois. L’administration de G.W.
Bush a aussitôt interprété l’accord des Russes et des Chinois comme un «ras le
bol » de la Communauté Internationale, après la rupture des scellés de l’usine
de Natanz, apposés par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique de Vienne
(AIEA). La résolution de consensus adoptée qui visait à prévenir toute
confrontation, était repoussée par le représentant iranien à Bruxelles.
Celui-ci ne faisait que reprendre les arguments du Président Ahmadinejad
exposés le 5 janvier dans un discours prononcé au temple de Hazrat-e-Masouneh à
Qom, la ville sainte du Chiisme.
Selon l’agence iranienne de presse, IRNA, le président Ahmadinejad notait que
les Occidentaux, prompts à accuser l’Iran d’utiliser les technologies
nucléaires à des fins militaires, n’apportaient aucune preuve quant aux
intentions de Téhéran. Il réaffirmait au contraire que l’Iran utiliserait
ces technologies dans les domaines de l’agriculture, de la médecine, de
l’énergie ainsi que dans tous les secteurs industriels du futur. Suivaient de
virulentes attaques contre les Occidentaux coupables de vouloir priver l’Iran
de ses droits inaliénables et de soutenir « les criminels sionistes »…
Faut-il
s’affoler devant l’intransigeance iranienne relayée par des manifestations de
masse et par l'offensive du Hezbollah, à la suite de ce qui est considéré comme
des provocations occidentales comme la publication des caricatures de
Mahomet par un journal Danois ?
Avant les offensives du Hezbollah et de la réponse du gouvernement israëlien,
les Américains pensaient qu’il n’y avait pas péril en la demeure. Le directeur
américain du Renseignement, John D. Negroponte, avait affirmé que les Iraniens
mettraient encore quelques années avant d’arriver à un résultat concret
significatif. Si Abdul Qadeer Khan, l’ingénieur pakistanais artisan de la bombe
nucléaire de son pays, avait permis aux Iraniens l’acquisition de plans, de
protypes et d’équipements, à la fin des années 80, Téhéran était encore loin de
pouvoir fabriquer les composantes d’une bombe. La source technologique
pakistanaise s’était en effet tarie au milieu des années 90, à la suite d’une
controverse, vraisemblablement d’argent ou d’acquisition de technologies
avancées. Les inspecteurs de l’AIEA avaient cependant découvert au cours de
leurs inspections que les plans fournis par le Pakistan indiquaient clairement
qu’ils étaient liés à la conception et à la fabrication de composantes
d’armements nucléaires.
Les Américains et les Occidentaux iraient-ils jusqu’à entreprendre une
action militaire ?
Compte tenu des engagements actuels de l’Amérique, notamment en Irak et en
Afghanistan, cette hypothèse n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, s’il était
acquis que l’Iran possède la bombe, donc des capacités d’attaque et de riposte
nucléaire, un équilibre stratégique fragile serait rompu au Proche-Orient. Il
n’est donc pas étonnant que la rupture des scellés des usines de Natanz et
d’Ispahan, décidée par Téhéran, ait été sévèrement critiquée par les Européens.
Le président français, Jacques Chirac a parlé d’erreur grave. Le ministre
allemand des Affaires Etrangères, Frank-Walter Steinmeier affirmait
que l’Iran envoyait un signal désastreux.
De son coté, l’Agence Iranienne de Presse rapportait une déclaration de Muhammed
Saeedi, directeur adjoint de l’agence nucléaire du gouvernement de
Téhéran : … » Nous faisons une différence entre la recherche sur le combustible
nucléaire et la production de ce combustible… » Cette subtile distinction
sera-t-elle suffisante pour rendre crédible la parole et les intentions
pacifiques de l’Iran, alors que son président a appelé à la destruction
d’Israël?
Rien n’est moins sur. d'autant plus que dans un discours télévisé à la
nation iranienne, le 11 avril, le Président Ahmadinejad s'est écrié avec
fierté, devant un parterre de généraux de notables religieux et politiques:
L'Iran a rejoint le club des nations nucléaires. Ce n'est pas tout à fait
vrai. Les experts de l'AIEA estiment que la bombe atomique iranienne est à
l'horizon 2020 si tout va bien. C'est bien la raison pour laquelle G.W. Bush
s'efforce de convaincre les Iraniens que les Etats-Unis ne tolèreront jamais
une attaque contre Israël tout en recherchant avec ses partenaires une solution
non militaire. Les Américains sont d'accord avec la Russie et la Chine sur
l'objectif d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Sur les moyens
pour parvenir à ce but, il existe des divergences graves notamment sur
l'étendue de l'embargo qu'il faudrait imposer à L'Iran.
Par la voix de la Secrétaire d'Etat, Madame Condoleeza Rice, le Président
Bush a fait un pas en arrière. De l'option militaire qu'il n'avait pas exclue,
l'administration américaine en vient à des propos plus conciliants. Washington
accepterait que les Etats-Unis rejoignent l'Europe dans la négociation engagée,
si Téhéran suspend tout enrichissement de l'uranium soupçonné d'être une
couverture pour camoufler un programme d'armes nucléaires. Le ministre français
des Affaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy, a invité ses homologues
allemand, américain, britannique, chinois et russe ainsi que le Haut
représentant pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne à
participer en avant-première du G 8 à Saint Pétersbourg, à une réunion de
travail consacrée au dossier nucléaire iranien.
Fin juin, le grand Ayatollah Kamenei, chef spirituel de la communauté Shiite
d'Iran avait tranché dans le sens d'une radicalisation des positions de
Téhéran. Il avait déclaré que l'Iran n'avait aucun besoin d'entamer un dialogue
avec les Etats-Unis. Le drame est devenu feuilleton. La guerre du Liban en est
la suite mais certainement pas la fin. L'intransigeance d'Israël ne laisse
entrevoir aucune issue à court terme. Certes, l'armée libanaise devrait se
déployer sur la frontière du sud Liban. Sous équipée, il est douteux qu'elle
ait la possibilité de supplanter le Hezbollah car face à l'intransigeance
politique d'Israël, Téhéran maintient sa pression. La clé du conflit
serait-elle à Jérusalem et à Téhéran? Le conflit ne donne aucun signe
d'essouflement.
Jean-Claude Courdy