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Gauche ouvrière et chrétienne
10 mai 2008

Malgré son abolition, l’esclavage n’est pas mort

Samedi 10 mai 2008

La France commémore le 10 mai la fin de l’esclavage, qu’elle a aboli en avril 1848. Pourtant, loin d’avoir disparu, celui-ci perdure sous différentes formes en France et dans le monde.

Samedi 10 mai 2008

Le 27 avril 1848, Victor Schœlcher, homme politique français, met un point final au décret qui abolit l’esclavage dans tous les territoires de l’empire français. Il suit l’exemple des Britanniques qui avaient ouvert la voie à l’abolitionnisme trente ans plus tôt. C’est la fin de quatre siècles d’exploitation de millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme consacre ces principes. Selon l’article 4 de la toute nouvelle déclaration des Nations unies, "Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes".

Pour autant, la pauvreté, les discriminations, l’exclusion sociale et d’autres facteurs qui ont nourri l’esclavage pendant des siècles existent encore. Et avec eux les formes modernes de l’esclavage. L’Organisation mondiale du travail dénombre au moins 12,3 millions de victimes du travail forcé à travers le monde - l’une des diverses formes de l’esclavage.

“L’esclavage a changé de forme aujourd’hui”, explique Sophia Lakhdar, directrice du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM) basé en France. "Il ne s’agit plus de chaîne mais de pressions psychologiques."

"Historiquement, l’esclavage était une question de droit de propriété. Aujourd’hui, il s’agit plus d’une forme de chantage", raconte Karla Skrivankova, coordinatrice des programmes  trafics humains de l’organisation britannique Anti-Slavery International. "Les employeurs retiennent les passeports de leurs employés et obtiennent ainsi un pouvoir absolu sur eux. Et ils peuvent transformer les conditions de travail en un statut proche de ce qu’on appelle l’esclavage."

Comme son ancêtre, l’esclave moderne est considéré comme un objet pratique plus que comme une personne. Il est contraint de travailler sans salaire, sans liberté de mouvement.

Servitude pour dettes

L’esclavage moderne recouvre des situations très diverses. On peut grossièrement les diviser en cinq catégories, bien qu’il soit difficile à quantifier étant donnée la nature cachée de l’esclavage aujourd’hui.

Une des pratiques d’esclavagisme les plus répandues est la servitude pour dettes. Une personne se voit forcée de travailler pour rembourser un prêt. Cette dette peut se transmettre de génération en génération. Près de 5,7 millions de personnes sont victimes de cette forme d’esclavage.

Le trafic d’êtres humains est le transport – ou même le commerce – de personnes  afin de les réduire à la condition d’esclave. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, près de 700 000 personnes par an font l’objet d’un trafic qui les éloigne de leur pays d’origine et les mène à être esclaves.

Le travail forcé concerne les personnes qui sont recrutées illégalement (sans respect du droit du travail international) et forcées à travailler sous la menace.

Parmi les 200 millions d’enfants travaillant dans le monde, un bon nombre sont dans une situation d’esclavagisme.

Le mariage forcé peut aboutir à une vie de servitude pour des femmes et des fillettes qui subissent parfois des violences.

Il est presque impossible de dresser une carte de l’esclavage dans le monde et nul endroit sur la planète ne peut se prévaloir d’en être immunisé. Dans certains pays d’Afrique, comme la Mauritanie et le Niger, le travail forcé est toujours autorisé.

De plus en plus de cas en justice

Mais même dans ces pays, de plus en plus de cas sont portés devant la justice. Hadjiatou Mani, une jeune Nigériane vendue comme esclave à l’âge de 12 ans, intente un procès à son propre pays devant la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). La décision du tribunal, quand elle sera rendue, fera jurisprudence dans tous les pays de la Cédéao.

En France, 334 cas d’esclavagisme ont été recensés par le CCEM en 2007. La majeure partie d’entre eux concernent des faits d’esclavage domestique. La prise en compte par les tribunaux du processus d’asservissement demeure difficile, affirme la directrice de l’ONG française.

Le cas le plus médiatisé ces dernières années est sans doute celui de l’ancien joueur de football de l’équipe du Paris Saint-Germain, Godwin Okpara. Il a été condamné à 10 ans de prison pour avoir violé et torturé sa fille adoptive, qu’il séquestrait et forçait à effectuer les tâches ménagères. Mais, regrette Sophia Lakhdar, Okpara a d’abord été condamné pour viol et torture de sa fille adoptive, laissant l’accusation d’asservissement au second plan.

Au niveau européen, la récente Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic des êtres humains pose de nouveaux fondements. Jusqu’à présent dix pays, dont certains d’Europe de l’Est et d’Europe centrale, ont décidé de la mettre en place. Ce processus sera surveillé de près par un comité d’experts. Un outil de suivi qui le distingue du protocole onusien sur le trafic des êtres humains, explique Karla Skrivankova, d’Anti-Slavery International.

“Il s’agit de la première convention internationale qui définisse le trafic humain comme un problème de droits de l’Homme et non comme un simple problème de contrôle des crimes. Il garantit aussi une protection minimale et une assistance aux victimes", ajoute-t-elle. Les victimes de trafiquants pourront notamment demander des visas dans le pays d’accueil qu’elles acceptent ou non de témoigner dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

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