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Gauche ouvrière et chrétienne
4 mai 2008

Le petit peuple de Dakar ne mange plus le midi

Khadidja, devant son petit étal de légumes, dans le quartier de Baraka, à Dakar.

Le Sénégal importe plus de la moitié de sa nourriture. C'est l'un des pays les plus touchés par la flambée des prix. La faim sévit, la révolte gronde.

Transpercée par d'immenses chantiers, la presqu'île de Dakar, où s'entassent aujourd'hui près de trois millions de Sénégalais (un sur quatre), voit surtout grandir une déchirure. Au dehors, une folle spéculation immobilière, des appartements loués en moyenne 200 000 francs CFA le deux-pièces, et aussi de grandes pubs vantant des 4 x 4 à 15 millions ! (1). Au-dedans, dans les bidonvilles, la fringale. À Baraka, par exemple, ainsi appelé pour ses baraquements, pas pour sa chance...

La débrouille et l'entraide

Dans la ruelle centrale, Khadidja, devant son petit étal de légumes, et Aïssatou, dans son échoppe, ont vu fondre leurs revenus. Aïssatou a laissé ses beignets à 25 F, les gens n'ont pas d'argent. « Le sac de farine de 50 kg est passé de 14 500 F à 21 200, le litre d'huile de 750 à 1 050... » Mariama Ba se fait 1 500 F par jour en vendant d'une porte à l'autre ses jus de bissap ou de bouye ; Hamad aussi quand il décroche un boulot de maçon, mais il en faudrait bien plus pour juste se nourrir.

Le prix du riz, surtout, a flambé de 40 % en deux mois. Le voilà à 300 F le kilo. Alors, le midi, il n'y a plus de thié, le traditionnel repas de riz. Mamadou Habib, maître coranique à ses heures, en appelle à Dieu. « On attend tous Allah », lâche-t-il en ouvrant sa porte. Son épouse Fatoumata mélange du lait en poudre pour la petite Ramatoulaye. Il a grimpé à 4 000 F le kilo ! Il y a de quoi se révolter !

« Les Sénégalais n'aiment pas ça », sourit Mbaye Paye, le généreux bistrotier de Baraka. Une voisine vient de lui glisser un mot à l'oreille : MBaye va l'aider pour ses médicaments. L'entraide, la débrouille, un repas en moins et Allah pour le moral : ainsi survivent-ils à Baraka.Sur la plage de Yoff, seuls les gamins mettent un peu de gaîté sur les pirogues colorées. La pêche sénégalaise est ensablée, ne paye plus le riz et le reste. De jeunes plongeurs prennent des risques fous pour trouver le mérou. « Les poissons nobles disparaissent, dit Assane. La mer est surexploitée. Les Européens sont là avec leurs gros moyens : la convention qui a été signée avec eux a été mal négociée. Des pêcheurs sont partis en pirogue vers l'Europe, ajoute-t-il, on ne sait pas ce qu'ils sont devenus... »À Dakar, aujourd'hui, la mondialisation fait donc à la fois flamber les prix et chuter les revenus. Au marché de Ouakam aussi. Suleyman Ly ne voit plus personne dans son magasin d'habillement. « Je suis venu de la Vallée (la vallée du fleuve Sénégal) il y a trois ans, dit-il ; s'il y avait de l'eau et de l'espace là-bas, je laisserais tout tomber et je repartirais. Depuis que les Chinois sont arrivés à Dakar, tout a changé. » vivent au jour le jour ».Sur les trois hectares, deux petits champs seulement sont verts. Le puits et les tuyaux sont pourtant là, mais la pompe est en panne. Sur ses 4 millions d'hectares de terres arables, le Sénégal n'en cultive que 2,5 millions. C'est là sans doute son erreur et maintenant son espoir.

Vivre au jour le jour

Repartir à la terre ? Comme le veut le président Wade ? (lire ci-dessous). Pour l'instant, les deux tiers des Sénégalais restés à la campagne ne souffrent pas moins, sans doute même plus. À une heure et demie de route de Dakar, à Bambylore, le riz arrive maintenant à 350 F le kilo chez le commerçant. Perdus loin du village, Ngor Faye et Awassene touchent 50 000 F par mois du propriétaire pour s'occuper des mangues et des figues, cultiver le niébé, l'arachide et la pastèque. Avec leurs quatre enfants, ils «

(1) 1 € = 656 francs CFA.

ouest - france 03/05/08

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