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Gauche ouvrière et chrétienne
27 avril 2008

France : Le pays officiel découvre l’existence d’un pays clandestin

La Voix du Nord - Edition du dimanche 27 avril 2008

La France qui travaille et vit en règle n’en revient pas : comment un étranger sans titre de séjour en France peut-il obtenir un CDI, être inscrit à la Sécurité sociale et déclarer des revenus à l’administration fiscale ? Le pays officiel découvre l’existence d’un pays clandestin.
Depuis la mi-avril, six cents travailleurs étrangers sont en grève pour leur régularisation. Certains d’entre eux sont salariés depuis des années. Le plus souvent mal payés, quelques-uns affichent néanmoins des revenus mensuels de 1 800 euros brut. Ils ont un boulot, un patron, des collègues, des fiches de paie, une carte Vitale, déclarent des revenus ; mais ils n’ont pas le droit de vivre en France.

Dans ce pays hyper-administré où il pleut continûment des lois, des décrets et des règlements, il est possible qu’un individu ait une existence légale et une existence clandestine en même temps.
Ce sont ces fantômes qui se rebiffent. Leur revendication relève du bon sens : « Si on m’accepte comme travailleur, on doit m’accepter officiellement sur le territoire français et me délivrer un titre de séjour. » Cette situation paradoxale n’est évidemment pas nouvelle ; elle fait partie de ces réalités fugaces qu’on entrevoit avant de vite les oublier. En cessant le travail et en occupant des locaux, ces travailleurs ont voulu devenir visibles.
Ils sont même apparus au chef de l’État lui-même, sous les projecteurs de la télévision française, par la grâce de l’émission de jeudi soir. Nicolas Sarkozy a choisi de s’en prendre à l’hypocrisie des employeurs. Si certains patrons, un peu voyous sur les bords, profitent de la vulnérabilité des étrangers sans papiers pour les exploiter, on sait aussi, grâce à ce grand déballage, que d’autres ignoraient la situation irrégulière de leurs employés. On a vu et entendu certains d’entre eux se ranger à leur côté pour demander leur régularisation. Dans cet élan, il faut faire la part du coeur et de l’intérêt.
Les relations entre employeurs et employés, surtout dans de petites entités, ne relèvent pas uniquement de l’antagonisme ou ne sont pas forcément noyées dans l’indifférence. Des liens se nouent entre eux. Il est difficile pour certains patrons d’imaginer un de leurs salariés, qu’ils côtoient depuis des années, partir pour le Mali entre deux policiers.
Mais ces travailleurs en situation irrégulière, dont on estime le nombre entre deux cent et quatre cent mille, remplissent aussi une fonction. Ils acceptent des tâches que des Français refusent, à des conditions salariales et de travail parfois indignes. Les régulariser massivement reviendrait à entériner cet état de fait, et à l’amplifier. Le message ne mettrait pas longtemps à parvenir jusqu’à ces jeunes gens que la misère pousse à fuir leur pays par tous les moyens et au péril de leur vie.
Le coeur et la raison veulent qu’on régularise, mais au cas par cas.
L’hypocrisie serait de refuser toute immigration, quand on sait que c’est impossible, ou d’accepter toute entrée sur le territoire, quand on sait que ce serait au détriment de la situation de ces étrangers en France et des Français eux-mêmes.

La chronique de Jean-Michel BRETONNIER

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