Internet ;Piratage: les eurodéputés contre la "riposte graduée" française
vendredi 11 avril 2008
Bérénice Dubuc
Le Parlement européen a adopté un amendement condamnant la "riposte graduée" du projet de loi français de lutte contre le piratage. Contacté par LEXPRESS.fr, Olivier Henrard, conseiller juridique de Christine Albanel, estime que les eurodéputés sont "hors sujet". Mais le gouvernement peut difficilement ignorer cet avertissement.
En matière de téléchargement illégal, la France serait en pleine régression, à en croire le Parlement européen. Lors de l'examen du rapport d'initiative sur les industries culturelles en Europe, les eurodéputés ont en effet adopté hier un amendement, déposé par Guy Bono et Michel Rocard, appelant à "éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif telles que l'interruption de l'accès à Internet". Cet amendement a été approuvé par les parlementaires européens à 314 voix contre 297. La "riposte graduée" visée Contacté par LEXPRESS.fr, Olivier Henrard, conseiller juridique de Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, considère que les eurodéputés à l'origine de l'amendement sont "hors sujet". "J'ai par exemple lu que la riposte graduée filtrerait les réseaux pour confondre le pirates. C'est faux: ce seront toujours les titulaires des droits qui repèreront les adresses IP des pirates sur le Web. Les fournisseurs d’accès (FAI) ou l'autorité administrative ne feront absolument pas de surveillance ou de filtrage du réseau." De même, la suspension de l'accès Internet "ne sera là que pour consolider la loi; la suspension sera la norme." Bien sûr, le projet de loi français n'étant pas encore arrêté définitivement, Olivier Henrard affirme qu'il est "compréhensible que le Parlement européen ne soit pas encore bien informé de ce qu'il contient." Défense de vieux modèles contre innovation numérique "Cet amendement est un signal très fort, qui montre encore une fois que la position française ne fait pas l'unanimité en Europe", commente Cédric Musso, directeur général des études et de la communication à l'UFC-Que choisir, joint par LEXPRESS.fr. En effet, le gouvernement suédois a déjà rejeté un projet similaire à celui préconisé par Denis Olivennes. Et les ministres suédois de la Culture, Lena Adelsohn Liljeroth, et de la Justice, Beatrice Ask, avaient publié une tribune dans le journal Svenska Dagbladet, qui affirmait que "La coupure d’un abonnement à Internet est un sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale." Elles soulignaient également que "les lois sur le copyright ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux". Mais si la France ne va pas dans le même sens que certains pays européens, elle applique un système qui semble fonctionner ailleurs. Pour Olivier Henrard, "La future loi s'appuie sur les réussites qui ont déjà été constatées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne". Selon le conseiller de Christine Albanel, "dans ces pays, une grande majorité des pirates arrêtent les téléchargements illégaux après deux ou trois avertissements". Pas de valeur contraignante Le projet de loi "devrait être présenté en conseil des ministres fin mai, et pourrait donc être examiné par le Parlement pendant une session extraordinaire cet été, en juin ou juillet", indique Olivier Henrard. Au vu de cette différence de calendrier, la France pourrait donc tout à fait examiner, adopter et faire appliquer le projet de loi Olivennes, avant de devoir se remettre à l'heure européenne. "Il est vrai que cet amendement a une portée symbolique, mais les parlementaires français peuvent difficilement rester sourds aux idées des eurodéputés, alors que la France est sur le point de prendre la présidence de l'Union", souligne Cédric Musso. |