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Gauche ouvrière et chrétienne
16 mars 2008

Pourquoi le régime chinois s'acharne sur le Tibet

Cela faisait 19 ans que les Tibétains n'avaient pas manifesté une telle volonté de secouer le joug chinois. Éléments d'explication alors que Pékin ordonne aux mutins de se rendre d'ici demain.

1) Pourquoi les moines tibétains manifestent-ils ?

Ils protestent pacifiquement, depuis lundi, contre l'annexion de leur pays par la Chine en 1950 et contre les limites apportées à la liberté religieuse (même si elle s'est élargie depuis les années 1980). Le régime communiste a toujours cherché à noyauter les monastères bouddhistes, afin de les soustraire à l'influence de Tenzin Gyatso, le 14e dalaï-lama. Chef spirituel des Tibétains, il s'est exilé à Dharamsala (Inde) avec 80 000 des siens, lors de l'écrasement du soulèvement de 1959. Pékin a, récemment encore, manifesté son intention de nommer elle-même le successeur du dalaï-lama, âgé de 73 ans. Le réseau des monastères structure la société tibétaine et il est le dépositaire d'une identité menacée par la modernisation à la chinoise.

2) Comment la contestation a-t-elle dégénéré en émeutes ?

Le scénario rappelle ce qui s'est passé en septembre en Birmanie, où une marche contre la junte militaire est partie des monastères : réprimer les lamas, sacrés pour les bouddhistes, fait courir au pouvoir un risque de révolte populaire. L'utilisation de lacrymogènes et l'arrestation musclée de dizaines de moines de Drepung, l'un des plus grands monastères, n'a fait qu'étendre la protestation à d'autres lamasseries. Lorsque, vendredi, les forces de l'ordre ont voulu empêcher des moines de Lhassa de descendre dans la rue, la population s'en est prise aux policiers, renversant des véhicules et incendiant les échoppes de commerçants chinois.

3) Le Tibet n'était donc pas chinois ?

Pékin affirme que le Tibet a de tout temps été vassal de la Chine. La réalité diffère : jusqu'au 13e siècle, ce territoire himalayen, perché à 6 000 m d'altitude, était indépendant et même puissant. Disputé ensuite par les seigneurs mongols et chinois, il change plusieurs fois de mains. Britanniques et Russes tentent d'en prendre le contrôle dans les années 1900, mais l'armée chinoise l'envahit en 1910 pour s'en retirer pendant la révolution de 1911. Le Tibet jouit d'une indépendance de fait jusqu'à sa « libération » en 1950 par les armées de Mao, qui obligent les dirigeants tibétains à entériner le protectorat chinois. Le système politique local devait demeurer, avec le dalaï-lama à sa tête. Mais Pékin supprimera cette autonomie après les soulèvements des années 1950, réprimés au prix de milliers de morts.

4) L'est-il devenu ?

Pékin n'a eu de cesse d'assimiler le Tibet : en détruisant de nombreux monastères ; en découpant son territoire de moitié ; en y implantant des Chinois qui dominent l'économie et politique ; en déplaçant les paysans vers des villes modernes ; en inaugurant en 2007 le train le plus haut du monde pour relier Lhassa à Pékin. Mais la Chine n'a pas réussi à briser l'identité tibétaine, incarnée par le gouvernement en exil à Dharamsala et représentée dans le monde entier par le très populaire dalaï-lama, prix Nobel de la paix en 1989.

5) Que veut le dalaï-lama, accusé par la Chine de fomenter les troubles ? Que va faire le régime de Pékin ?

Apôtre de la non-violence, le dalaï-lama ne réclame que le rétablissement de l'autonomie du Tibet. Son dialogue intermittent avec Pékin n'a guère produit de fruit. En défilant à l'occasion du 49e anniversaire du soulèvement de 1959, les moines du Tibet ont voulu profiter du fait que tous les regards sont braqués vers Pékin, à six mois des Jeux olympiques, en calculant que le régime ne pouvait se permettre un bain de sang à quelques mois de recevoir la planète entière. Le président chinois, Hu Jintao, pourra difficilement faire abstraction de la pression internationale : Washington, les Européens l'appellent au dialogue et à la retenue. Mais il ne faut pas oublier que le même Hu était, lors du dernier soulèvement, en 1989, l'homme fort du PC au Tibet. Et il n'avait pas hésité à proclamer la loi martiale pour mieux écraser les manifestants anti-chinois.

Bruno RIPOCHE.

Le dalaï-lama doit prendre la parole ce midiAlors que les émeutes de vendredi ont fait entre 10 et 30 morts, selon les sources, le dalaï-lama devrait lancer un appel à la non-violence lors d'une conférence de presse prévue à la mi-journée. La crainte du gouvernement en exil est grande de voir les jeunes Tibétains renoncer à des décennies de lutte non-violente. Un fossé pourrait grandir entre les générations. En témoignent les manifestations de centaines de jeunes Tibétains hier à Dharamsala, et plus qu'une nuance dans leurs revendications : tandis que le dalaï-lama demande à la Chine « l'autonomie culturelle », le Congrès de la jeunesse tibétaine réclame « l'indépendance du Tibet »...

ouest - france  16/03/08

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