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Gauche ouvrière et chrétienne
28 novembre 2007

Washington confidential:Bush vire de bord

28/11/2007- Patrick Sabatier - © Le Point.fr

"N'abandonnez jamais le navire !", proclamait le drapeau qui orne la grande salle de l'Académie navale d'Annapolis où s'étaient réunis mardi les représentants de 49 pays et organisations pour apporter leur soutien à la relance du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. L'étendard qui avait flotté en 1813 au mât du Lawrence, un des navires de guerre américains engagés contre la Royal Navy britannique dans la baie de la Chesapeake, était un symbole particulièrement approprié de l'état d'esprit des diplomates qui, depuis soixante ans, cherchent une paix introuvable, en dépit de l'adage qui veut qu'"au Moyen-Orient, on a toujours raison d'être pessimiste", comme le rappelait un journaliste à la fin de la réunion.

Mercredi matin, la presse américaine applaudissait avec circonspection la représentation mise en scène par la secrétaire d'État Condoleezza Rice, et dans laquelle le président Bush a tenu le rôle principal. Il a chaussé ses lunettes pour monter sur scène et lire une déclaration conjointe du président palestinien Mahmoud Abbas et du premier ministre israélien Ehud Olmert, par laquelle ils se sont engagés à négocier "de manière intensive et continue" pour chercher un accord sur "tous les points" du conflit qui les oppose d'ici la fin de 2008.

Ce texte sommaire était le service minimum pour un effort diplomatique engagé par Mme Rice depuis le début de l'année. Selon le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, il avait fallu que Bush en personne cajole ses deux partenaires qui, à l'aube de mardi, n'étaient toujours pas parvenus à s'entendre sur un texte commun pour dire qu'ils acceptaient de négocier. Et le texte évite soigneusement de préciser sur quoi les deux adversaires vont négocier. Pour les Israéliens, évoquer la question du retour des réfugiés palestiniens reste taboue, comme l'est pour les Palestiniens celle du statut de Jérusalem ou celle du caractère juif de l'État d'Israël.

Mais nul à Annapolis ne s'attendait à autre chose, et c'était même une des conditions implicites de la réunion que rien ne s'y passe. "L'objet de la réunion était la réunion elle-même", comme le résume Martin Indyk de la Brookings Institution. Les participants ont manifesté symboliquement qu'ils n'ont pas "abandonné le navire" de la paix espérée, même si ce dernier s'est fracassé sur les récifs et a embarqué des flots de sang et des tonnes de haine. Et qu'ils veulent même le remettre à flot pour reprendre le cap fixé sur la "feuille de route" dessinée en 2003 par les pilotes internationaux.

La question est bien sûr de savoir pourquoi le navire aurait plus de chance de parvenir cette fois à bon port en tenant le même cap, sachant qu'il va rencontrer les mêmes écueils et les mêmes tempêtes. Le président Bush a tenté de répondre à la question, en affirmant que "le moment est propice", pour deux raisons au moins. La première est que les deux dirigeants, Abbas et Olmert, disent vouloir de nouveau hisser les voiles, la seconde que leurs voisins ont compris qu'"une bataille est engagée pour l'avenir du Moyen-Orient, et que nous ne pouvons laisser les extrémistes l'emporter".

Ce qui se traduit par : Abbas et Olmert sont l'un et l'autre dans une position politique si précaire qu'ils n'ont rien à perdre à tenter le coup. La prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza a paradoxalement séparé le bon grain palestinien (Abbas le partisan de la négociation) de l'ivraie (le Hamas qui croit encore au terrorisme). Et tout le monde, les voisins arabes sunnites d'Israël en premier, a peur du double épouvantail que sont les islamistes radicaux (type Hamas ou Hezbollah) et les chiites que soutient leur ennemi historique, l'Iran.

Bush lui-même paraît avoir enfin saisi, dans sa huitième année à la Maison-Blanche, que les États-Unis ne peuvent trouver d'arme plus puissante dans leur lutte contre l'Iran et le terrorisme islamiste qu'une paix israélo-arabe, dont la solution du conflit israélo-palestinien est le sine qua non. "L'Amérique fera tout ce qui est en son pouvoir pour appuyer la recherche de la paix", a-t-il promis, tout en reconnaissant que "c'est à eux (les deux adversaires) de la faire". Du coup, la seule question importante au lendemain d'Annapolis est de savoir si les États-Unis vont réellement faire du processus de paix une priorité de leur diplomatie. "Pour le moment, tout ce que Bush a fait est de participer à une réunion, et prononcer un discours", note Dennis Ross, ex-négociateur américain au Proche-Orient. Alors que ce que tous les protagonistes attendent de lui est qu'il reste à bord, se mette à la barre, et "n'abandonne pas le navire".

Pour le président, ce serait pour le coup un véritable virement de bord -après avoir pendant sept ans agi comme si le conflit israélo-palestinien n'était qu'un problème mineur, et si l'instabilité au Moyen-Orient devait être imposée par la force des armes américaines en Irak et la confrontation avec l'Iran.

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