Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gauche ouvrière et chrétienne
24 septembre 2007

École : fausses idées et vrais problèmes

    

    

      

« Avant, c'était mieux »... par définition. « Baisse du niveau », « inflation des diplômes », échec de la démocratisation : depuis deux ans, les jugements catastrophistes sur l'enseignement en France se succèdent. Un documentaire télévisé comparait, récemment, l'Éducation nationale à un « grand corps malade ».

Eh bien, justement, c'est à voir, dit Éric Maurin dans un livre stimulant, La nouvelle question scolaire (Ouest-France du 13 septembre). Sans prendre systématiquement le contre-pied des idées reçues, il fait, avec rigueur, la lumière sur le sujet.

La vraie question, insiste-t-il, n'est pas de connaître les avantages que chaque élève retire de son parcours - il y a fatalement des inégalités et des déceptions -, mais le bénéfice global de la scolarisation pour la collectivité. Où en serait, aujourd'hui, notre société sans la démocratisation scolaire ? Que seraient devenues les générations qui en ont bénéficié ?

La réponse est largement positive, si l'on juge la performance, les garanties sociales, l'insertion... Bref, tout le monde y a gagné, mais certains en ont bénéficié plus que d'autres. Et c'est pourquoi, contre ceux qui veulent une sélection, dès le plus jeune âge, l'auteur propose de maintenir fermement ce cap, au nom de la justice et de l'efficacité.

S'appuyant sur des expériences menées dans d'autres pays, le chercheur plaide pour le collège unique (jusqu'à la 3e) qui pose pourtant question, y compris pour trois quarts des enseignants. Mais à condition de le faire évoluer. Maintenir le même temps de formation pour tous, tout en opérant une sélection, était contradictoire. La conséquence, c'est que les plus faibles se trouvent exposés à l'échec dès le plus jeune âge. Dès 6-7 ans, des enfants ne sont déjà plus dans la course.

« Comment éviter ce gâchis ? ». En s'interrogeant sur l'efficacité qu'on attend du système scolaire. Si l'on vise un avenir professionnel lointain, l'adaptation au futur métier, c'est partie perdue pour le collège unique. Mais si l'école se recentre sur l'enfant, la perspective d'une formation partagée par tous et qui mobilise les capacités de chaque enfant devient possible. Vous oubliez les « fondamentaux » (lecture, calcul...), disent certains. La question est de savoir si le classement est la condition indispensable pour accéder au savoir.

Souvenons-nous du mot de Montaigne : « L'enfant n'est pas un vase qu'on remplit, mais un feu qu'on allume. » Mais ne le calcinons pas prématurément. Il m'est arrivé de suggérer, devant 300 enseignants, d'apprendre aux enfants à « ne rien faire »... aussi. Côté enseignants, le problème vient davantage de leur mode de recrutement que de leur formation : ils sont choisis, plus pour leur excellence dans leur discipline que pour leur sens de la pédagogie.

À l'université, le taux d'échec, les deux premières années, demeure une plaie. Comment s'en étonner, puisque les lycéens qui se retrouvent dans les facultés sont ceux qui échouent à l'entrée dans les grandes écoles et les IUT trustés par les formations générales, et qui viennent des filières professionnelles et technologiques. Dès lors, « les lycéens les moins préparés aux études académiques optent pour les filières généralistes ». D'où l'échec annoncé et l'urgence d'une meilleure orientation qui, faute de se faire avant, pourrait prendre place, dans ce premier cycle. L'année qu'on appelait propédeutique préparait - rappelons-nous - les bacheliers à l'enseignement supérieur.

Reconnaissons, comme le disait un bon connaisseur de l'Éducation nationale, que « le système français est l'un des meilleurs du monde, mais pour la moitié des élèves ». L'idée d'un soutien à l'intérieur de l'école pour les élèves en difficulté progresse. Il vaut mieux l'organiser que de continuer à gémir sur la « ruine » de l'école.

Ouest- France lundi 24 septembre 2007 par Jacques Le Goff (*)

(*) Professeur de droit public, université de Brest.

Publicité
Commentaires
Publicité