Un étau technicien se resserre autour de nos vies.

La Voix du Nord - Edition du dimanche 23 septembre 2007

Le commentaire de Jean-Michel BRETONNIER

Un étau technicien se resserre autour de nos vies. Nous sommes filmés, fichés, enregistrés, pillés, suivis – et même précédés –, connus – et même reconnus –, par des entreprises que notre argent intéresse, par des administrations qui ne nous veulent que du bien. Sans coercition. Tout se passe en douceur, avec notre assentiment candide ou dans un silence approbateur.

Nos téléphones portables sont des mouchards ; des caméras épient nos gestes publics ; nos comportements privés sont inscrits dans la mémoire de nos ordinateurs ; la webcam à domicile réalise la synthèse parfaite de ces deux derniers phénomènes, puisque nous acceptons que l’espace privé soit filmé et projeté sur la Toile mondiale ; notre santé est l’objet de l’attention de nos assureurs qui veulent tout en connaître ; ce qui est produit par des créateurs est pillé sans honte sur le Web et il se trouve des esprits modernes pour vouloir entériner ce vol par la loi. Et ça s’aggrave un peu tous les jours !
L’immigration est un dossier sérieux qu’on ne réglera pas par un angélisme qui voudrait abattre les frontières. Il faut la maîtriser. Mais faut-il pour autant accepter deux dispositions du projet de loi qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale et sera examiné par le Sénat ?

L’une propose le recensement des origines raciales et ethniques pour la conduite d’études sur la discrimination et l’intégration, à rebours de nos valeurs républicaines qui ne tiennent pas compte de ce type de catégories. L’autre autoriserait les tests génétiques pour vérifier la filiation dans le cadre d’un regroupement familial, en contradiction avec la loi sur la bioéthique qui limite strictement cette utilisation de la science. Voilà pour l’espionnage et la mise en fiches à visées administratives.

Voici maintenant l’espionnage et la mise en fiches à visées mercantiles. Des assureurs anglais, rejoints par des Italiens et bientôt sans doute par des Français, placent dans des voitures un boîtier permettant de tout savoir du comportement du chauffeur et de connaître dans le détail tous ses déplacements.
Le but est bien sûr de faire payer moins cher ceux qui ont une conduite prudente sur des parcours sûrs, puisque ces compagnies oeuvrent pour notre bien et n’ont d’autres buts !

Le point commun entre ces dispositions concernant les tests génétiques et le boîtier est le volontariat. Dans le cas de la loi sur l’immigration, il s’agissait d’un amendement destiné à faire passer un texte difficile à avaler par les députés d’opposition, mais aussi par un certain nombre de parlementaires UMP plutôt rétifs, à l’Assemblée comme au Sénat. Dans le cas de l’offre commerciale des assurances, il s’agit d’une réelle hypocrisie. Vous avez le droit de refuser d’embarquer cette petite boîte délatrice, mais vous paierez vos primes plus cher que ceux qui acceptent !

Et c’est avec leur consentement que nos sociétés s’engagent dans un modèle de surveillance généralisée. La technique se déploie dans toute sa superbe et referme sur nous ses pièges. «

Sous nos applaudissements

», comme aurait dit Jacques Martin. •