Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gauche ouvrière et chrétienne
19 août 2007

A Lyon et St Etienne les ROMS indésirables

Autour de Lyon, l’errance continue

Quelque 151 Rom de Villeurbanne ont été reconduits en Roumanie dimanche. D’autres expulsions prévues à Vaulx-en-Velin, Vénissieux et Saint-Priest.

Envoyée spéciale.

On est aux Sept Chemins, à Vaulx-en-Velin. Un petit pré proche de la voie qui mène aux zones commerciales de l’Est lyonnais, dans un secteur industriel. Pas de résidents voisins. Pas de point d’eau à proximité immédiate non plus. Deux familles vivent là, sans déranger personne. Mais, ce matin, la police sera là pour les déloger. Le terrain appartient à la communauté urbaine de Lyon (Courly) et doit servir à la construction du boulevard urbain est. En 2008 ? Peut-être. En tout cas pas demain. Mais, c’est certain, ces deux familles, quinze personnes dont dix enfants, gênent le président socialiste de la Courly, qui a demandé l’expulsion. Sans proposer aucune solution de « rechange », au mépris de la scolarisation des enfants et du suivi médical - un bébé est gravement malade et porte un appareillage de rééducation au pied, sa mère est seule avec six enfants. Les quatre autres enfants vivent avec leurs grands parents (leur père a déjà été expulsé), mais sont pris en charge par la Cité de l’enfance de Bron. Les grands-parents étaient, le 15 août, en pèlerinage à Lourdes. Tous, Rom serbes du Kosovo, ont demandé l’asile politique qui, malgré ce que ces trois termes cumulés représentent de danger, leur a été refusé. La mairie de Vaulx-en-Velin et les associations sont intervenues pour faire reporter l’échéance. La DDASS a été alertée puisqu’il y a des enfants en danger. Comme il n’y a pas urgence, pourquoi ne pas se donner le temps de trouver une solution pérenne ? Décision ce matin.

À la préfecture du Rhône, on ne communique pas sur cette question. Impossible de savoir quand les 150 Rom installés sur le terrain privé du Puisoz, à Vénissieux, vont subir le même sort. Les élus savent que ce sera avant la fin du mois. Mais quand ? Même problème pour les 80 personnes de Saint-Priest, soumises, en outre, à une forte pression policière à base d’intimidations. Le mois d’août est celui de tous les dangers, comme d’habitude. L’expulsion des Rom du Carré de soie, à Villeurbanne, il y a quinze jours, a permis de rapatrier 151 personnes en Roumanie, dimanche dernier, en autocar, avec 153 euros par adulte et 46 euros par enfant en guise de viatique pour monter un projet de réinstallation. Personne n’y croit. Quand on évoque cette manne, à Saint-Étienne, Marie-Pierre Vincent - explique qu’il y a deux ans- , les familles qui sont parties n’ont jamais vu un sou de la promesse. Il faut seulement espérer qu’aujourd’hui le gouvernement ait trouvé une solution plus fiable. Les « candidats » au départ ont le « choix » entre accepter cette aide ou se faire reconduire sans compensation parce qu’ils ne peuvent justifier des ressources estimées nécessaires pour vivre en France. Tous, en tout cas, ont bien précisé qu’ils allaient revenir, comme d’habitude. Cette aide au retour ne peut être « sollicitée » qu’une fois par an. À la fin de l’année, le ministre aura ses chiffres, et il pourra en profiter encore l’an prochain. Sans aucun doute une politique d’avenir.

É. R.

À Saint-Étienne, les Rom face à la politique du mépris

Immigration . Après une nouvelle expulsion, la semaine dernière, d’un local EDF, plus de deux cents personnes sont désormais parquées dans deux écoles désaffectées. Reportage.

Saint-Étienne (Loire),

envoyée spéciale.

Montplaisir, au sud-est de Saint-Étienne. Le nom du quartier est à des années-lumière de ce que vivent les 220 personnes enserrées dans les deux bâtiments de l’école désaffectée de la rue de Terrenoire. Situés en contrebas de l’autoroute, les bâtiments parallèles sont promis à la destruction d’ici 2008 : un panneau annonce la création prochaine d’une école d’infirmières de la Croix-Rouge. C’est pourtant là que la préfecture de la Loire et la mairie ont choisi de regrouper les Rom de la ville.

Un matelas pour quatre personnes

Il y a quelques mois, le bâtiment de l’école maternelle est devenu lieu d’« accueil » pour une centaine de Rom, plusieurs fois déjà déplacés de lieux insalubres en lieux insalubres. Les salles de classe sont divisées en mini-espaces de sommeil, à peine plus grands que l’encombrement d’un lit, protégés des voisins par des pans de tissu. Parfois, une porte rapportée veut créer un semblant d’intimité. Chaque classe abrite 10, 14 voire 18 personnes de familles différentes, enfants et parents confondus. On cuisine dans un coin. Dehors, au fond du préau, sous un renfoncement, une famille a posé un matelas. Chaque bâtiment compte une douzaine de classes en enfilade sur deux étages. Le fond d’un couloir a été isolé en « lieu de vie ». Quand on lui demande si elle a à manger, la maman d’une petite fille de quinze jours sourit : « Pas beaucoup… » Son mari n’a pas réussi à avoir un emploi.

Depuis mercredi dernier, le deuxième bâtiment, celui de l’école primaire, abrite une autre centaine de Rom, qui avaient été délogés manu militari l’an dernier, à la même époque, et trouvé refuge dans un local d’EDF rue Béraud. Les syndicalistes avaient réussi à installer un minimum de matériel et de confort, les enfants étaient scolarisés, la vie s’était organisée tant bien que mal. Mais l’entreprise a tenu à récupérer ses locaux. Cent vingt CRS (un par personne !) ont procédé à l’expulsion. Quelques matelas ont été transportés par les services municipaux, qui ont - refusé de faire plusieurs voyages. Tout le reste est resté sur place. Y compris les dernières livraisons des associations en produits frais, viande et yaourts, qui se sont rapidement transformés en produits avariés. La mairie a fait désinfecter les lieux avant d’autoriser la récupération du matériel ce jeudi.

Dans ce bâtiment aussi, ils sont 10 à 18 par cellule. Ils n’ont pas encore installé de séparations de fortune. Un matelas peut servir à quatre personnes, quand on se couche dans la largeur… Une famille se recroqueville dans un réduit où le lit est à vingt centimètres du mur et cinquante de la fenêtre. La famille ? Quatre personnes, dont une jeune fille handicapée qui se déplace en fauteuil roulant. Un autre réduit sert aussi de chambre. Celui-là n’a pas de fenêtre. Il est sous l’escalier, le « plafond » descend jusqu’au sol. Il n’y a de place que pour un petit lit. « Jeudi soir, la police a déposé sans prévenir, sur le trottoir, une famille de neuf personnes et est repartie aussi vite. Il a fallu tasser un peu plus, explique Anna Pidoux, du comité de soutien. Nous avons des enfants malades, des handicapés, des bébés… C’est une honte. »

Pas de douche,

pas d’eau chaude

Ces 220 habitants disposent de trois W-C par bâtiment et, par étage, de quatre bacs à trois robinets à hauteur d’enfant. Pas de douche, pas d’eau chaude… Par-ci, par-là, chez les nouveaux, une cuisinière au butane. Mais les bouteilles coûtent cher et les plaques électriques du local EDF sont hors circuit car les premiers branchements ont fait sauter l’installation : une école n’est pas équipée pour une telle consommation. Le local électrique a été sécurisé, mais l’intensité s’en est trouvée encore réduite…

Où faut-il inscrire

les enfants ?

Pour tous, l’avenir se résume à une interrogation récurrente : où faut-il inscrire les enfants pour la rentrée scolaire ? Comme à chacun de ces déménagements sauvages, ni la préfecture ni la mairie ne se sont souciées de cette cinquantaine d’enfants. Les classes avoisinantes ne pourront, en toute bonne volonté, absorber tous ces nouveaux arrivants. Pour le comité de soutien, qui n’a pas de réponse et espère une rencontre rapide avec mairie et préfecture, la préoccupation est différente. « Il n’est pas question d’accepter la création de ce ghetto, s’indignent, d’une même voix, Marcel Gaillard, Marie-Pierre Vincent, Anna Pidoux et Joël Dupuis. Il faut trouver, sur la ville, dans des quartiers différents, de petites unités de logement décent. Dans ce quartier, aucune structure ne peut répondre à la demande, ni les écoles, ni le centre social, ni le centre aéré. La population elle-même s’est déjà indignée des conditions dans lesquelles les Rom sont parqués, mais on n’est pas à l’abri, à terme, de phénomènes de rejet : toutes les conditions sont réunies. » Au nom du groupe des élus communistes de Saint-Étienne, Marie-Hélène Thomas s’est adressée, lundi, au maire et au préfet, soulignant le danger de ghettoïsation dans le quartier, la volonté des résidents d’obtenir un emploi et un logement stables, et la nécessité de poursuivre le travail engagé d’insertion sociale et professionnelle. Elle insiste aussi pour que toutes les parties concernées, aux échelons national et européen, se rencontrent sur les raisons de

cet exode et les moyens d’y remédier.

Tous veulent travailler

Ces familles tournent, en effet, sur l’agglomération stéphanoise comme ailleurs, depuis cinq à treize ans, chassées par l’ouverture de la Roumanie au libéralisme et sa cohorte de vie chère, de chômage et de discriminations. « Retourner en Roumanie, c’est ni logement ni travail, c’est le racisme total. Même ici, nous sommes mieux que là-bas. Ma femme et moi avons été élevés en orphelinat. Je ne veux pas de cela pour mes enfants. Les orphelinats existent toujours. Je reste ici », affirme un père de famille. Certains parlent français comme vous et moi. « Je réponds à une annonce de l’ANPE, je téléphone et l’on me répond que le poste est pourvu. Pourtant, l’annonce est toujours affichée. J’ai été refusé parce que j’ai écrit que j’étais roumain ? Je ne vais pas m’en cacher ! explique l’un d’eux. Je ne veux pas retourner en Roumanie, ou alors en vacances. Ma vie est ici, mes amis sont ici. Il me faut seulement un emploi. Vous connaissez quelqu’un ? »

« Nous avons des employeurs qui cherchent sans succès du personnel, dans la restauration, l’hôtellerie, le bâtiment, et veulent embaucher immédiatement, s’indigne Anna Pidoux. Tous ces secteurs où le ministre lui-même reconnaît que la main-d’oeuvre française refuse de travailler. Mais pour être dans les règles, il faut constituer un dossier qui prend trois mois avant d’être agréé. Les employeurs vont voir ailleurs. D’autant que, pour embaucher un Roumain en CDI au SMIC, ils doivent verser plus de 900 euros à l’ANAEM (Agence nationale de l’accueil des étrangers et de l’émigration) ou 600 euros pour un emploi de saisonnier. C’est un véritable racket, très dissuasif. Et après, on va nous expliquer que ces gens ne veulent pas travailler… »

La préfecture a averti qu’elle allait examiner les situations au cas par cas. Pour trier les acceptables des indésirables et proposer une aide au retour ? Pour l’instant, aucune rencontre entre les divers acteurs n’est à l’ordre du jour. Ni en préfecture ni en mairie.

Émilie Rive

Publicité
Commentaires
Publicité