Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gauche ouvrière et chrétienne
23 mai 2007

Le manifeste du nouveau c@pit@lisme

Ce n'est pas étonnant que Jouyet,soit disant homme de gauche,soit au gouvernement de Sarkosy ,puisqu'il prône une mondialisation ultralibérale qui naturellement profite plus au patronat et aux actionnaire et appauvrit le salarié

Le Président de la G.O.C.

                       

Un document clé . L’informatique, l’imaginaire, le son, la finance, les images... Ce sont les nouveaux territoires du profit et de l’exploitation. Le rapport Jouyet-Lévy en dessine les cartes.

                                         

Le rapport dont nous révélons ici les grandes lignes n’est pas secret. Il est consultable du reste sur Internet. Il n’est pas, non plus, destiné au grand public, mais propose avec un ensemble de recommandations pour les « décideurs », politiques et économiques. Commandé par l’ancien ministre de l’Économie et des Finances à Jean-Pierre Jouyet, alors à la direction de l’inspection générale des finances et à Maurice Lévy, PDG du groupe Publicis, il concerne au premier abord l’économie de « l’immatériel », dont on verra que la définition est très extensible, des produits culturels et informatiques à la finance en passant par les réseaux. Mais l’immatériel, en l’occurrence, a les allures d’un char d’assaut ultralibéral dans le champ de bataille de la mondialisation. Il n’est pas anodin que Jean-Pierre Jouyet, complaisamment présenté comme un homme de gauche, se retrouve aujourd’hui dans le gouvernement Sarkozy, en charge des Affaires européennes. Car l’Europe, selon le rapport lui-même, est un échelon clé dans la mise en oeuvre de la stratégie qu’il préconise et qui vise à soumettre l’ensemble de la vie économique et sociale, les États eux-mêmes à la rentabilité financière. Dans cette perspective les États sont appelés à devenir de véritables staffs d’entreprise. C’est assez exactement ce qui se met en place avec le gouvernement de Nicolas Sarkozy et l’hyperprésidence de ce dernier alors même que les grandes lignes des préconisations du rapport recoupent précisément les orientations du nouveau chef de l’État. Le rapport Jouyet-Lévy n’est pas une spéculation de technocrates mais un programme d’action. Sa mise en oeuvre est engagée. Mercredi passé, la création d’une Agence du patrimoine immatériel de l’État, souhaitée par le rapport, était annoncée.

« L’Économie de l’immatériel » : c’est sous ce titre pour le moins énigmatique qu’a été rendu public, en janvier 2007, un rapport fort de 167 pages commandé par l’ancien ministre des Finances et rédigé sous la houlette de Maurice Lévy, patron de Publicis, et de Jean-Pierre Jouyet, alors chef de l’inspection des finances, ancien membre du cabinet de Lionel Jospin et aujourd’hui tout nouveau secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé des Affaires européennes du gouvernement Sarkozy.

tout remettre à plat

S’agit-il là d’un rapport de plus, condamné à rester au fond d’un tiroir ? Après lecture attentive, ce rapport dévoile les nouveaux préceptes de la pensée libérale. Il ne se contente pas de dessiner les contours d’un corpus théorique mais il échafaude des pistes de travail. Au nom des « quatre T : Talent, Technologie, nouveau rapport au Temps et nouveaux Territoires », il impulse, selon les dires de Thierry Breton, une nouvelle façon de « réfléchir, de raisonner et de parler (...) afin de créer une nouvelle communauté de pensée chez nos élites républicaines sur le modèle des grandes écoles de pensée américaines ».

Ce rapport joue un rôle fondateur au même titre que celui de Nora-Minc en 1978 sur « l’Informatisation de la société française ». C’est le même raisonnement qui prévaut ici mais au nom de l’économie et de « la société de connaissance ». Avec un même schéma de pensée : la révolution technique entraîne une révolution socio-économique. Il faut donc tout remettre à plat, « s’interroger sur la compétitivité de notre réglementation du travail dans l’économie de l’immatériel », dixit le ministre. Ce qui lui fait dire que l’un des premiers gestes est de « trouver un nouveau consensus social pour assouplir ces réglementations inspirées par une économie industrielle d’hier, totalement inadaptées aux nouvelles réalités de l’économie de l’immatériel ».

le tout immatériel

Le rapport Jouyet-Lévy est la combinaison de la prétendue fatalité de la technologie avec celle de la financiarisation du monde. Il traduit une approche technico-financière où tout deviendrait immatériel, sur le modèle de la finance, depuis longtemps, elle, dématérialisée. Dans cette optique, les entreprises, les institutions et même les nations deviennent des marques et, de façon plus générale, les réseaux d’information, via Internet, dématérialisent les objets, le territoire, les institutions, voire les hommes qualifiés d’« actifs immatériels ». Ainsi, s’il est écrit que « notre principale richesse, c’est l’homme », c’est pour aussitôt ajouter qu’« il convient de traiter économiquement le capital humain » (p. 155), car « l’immatériel devient la principale source de création de valeur » (p. 163).

La notion « d’immatériel » est dès lors appliquée indistinctement à l’innovation, à la recherche, à la formation comme à l’enseignement, au design, à la mode, en passant par la créativité, le jeu vidéo, la publicité, les marques, le divertissement (l’entertainement). Les rapporteurs précisent même qu’il ne faut pas « oublier une autre catégorie d’actifs immatériels : ceux liés à l’imaginaire » (p. 53), ce qui permet de mettre sur un même plan la création artistique et la publicité.

Soixante-huit recommandations émaillent ledit rapport qui préconise de « mettre les actifs immatériels publics au service de l’économie » (p. 116), entendons par là le marché ; tout comme de faire financer les sites publics d’administration en ligne par la publicité sur le modèle Google, après avoir développé un « business model » pour les sites publics (p. 124). Faute de crédits budgétaires, il demande la transformation des universités et des musées sur le modèle américain en les identifiant par des marques (p. 104), tout en précisant : « Il ne s’agit naturellement pas de céder à une marchandisation de la culture... Mais simplement de reconnaître deux choses : le développement des ressources propres doit être un objectif prioritaire et les marques sont un élément du rayonnement de la France » (p. 105). Pour les musées, l’exportation du Louvre à Abu Dhabi est la première pierre à cet édifice. Pour les universités, il s’agit de créer dix pôles universitaires et de recherche d’excellence mondiaux et soixante-dix universités professionnalisées et régionalisées : autonomie des universités, évaluation des résultats, sélection des étudiants, dispense de formation en anglais, ce que l’ancien ministre des Finances nomme « un plan Marshall » pour l’enseignement supérieur. Partout, le principe d’inégalité sociale et territoriale l’emporterait.

Ainsi l’esprit des affaires s’imposerait aux affaires de l’esprit... Au nom de cette nouvelle économie dite de l’intelligence et de la connaissance qui ne vise qu’à produire l’économie de l’intelligence. Laissons la conclusion à Thierry Breton. Il voit dans ce rapport « le fil rouge de mon action économique pour une nouvelle croissance » ainsi qu’« un carburant incontournable pour alimenter le programme de ma famille politique ».

Ce rapport peut être téléchargé sur Internet www.finances.gouv.fr .

Il est aussi publié à la Documentation française.

Pierre Musso Marie-José Sirach Maurice Ulrich

Publicité
Commentaires
Publicité