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Gauche ouvrière et chrétienne
17 janvier 2007

Un droit au logement effectif ?

Comment pouvez-vous être un travailleur régulier quand vous n'avez pas de logement, exercer votre droit à la culture si vous n'avez pas où mettre quelques livres ?

le president de la G.O.C.

    Un droit au logement effectif ?
   

    par Jacques Le Goff (*)

   

 

   

   

Le droit au logement opposable - l'une des mesures réclamées par Les Enfants de Don Quichotte - s'est imposé, en quelques semaines, dans l'agenda politique. Il fait déjà l'objet d'un projet de loi, présenté, ce matin, en Conseil des ministres. Le texte prévoit « la possibilité d'engager un recours amiable auprès d'une autorité responsable, puis, le cas échéant, un recours contentieux auprès de la juridiction administrative » pour les personnes dans l'impossibilité de trouver un logement décent.

Ce droit n'est pas une nouveauté. Dès les années 1980, la loi en faisait déjà mention expresse. « Le droit à l'habitat est un droit fondamental », énonce la loi Quilliot de juin 1982, un principe repris, entre autres, par la loi Besson de 1990 et, dernièrement, par celle de janvier 2005 sur la cohésion sociale. Mais, justement, il ne s'agit que d'un principe qui a, pour les pouvoirs publics, valeur d'engagement solennel de l'inscrire, autant que possible, dans la réalité sociale. Rien de plus. Ce que confirmera, d'ailleurs, le Conseil constitutionnel (19 janvier 1995), précisant que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un 'logement décent' est un objectif, de valeur constitutionnelle ». Il disait bien « objectif » et non résultat impérativement assigné aux pouvoirs publics. Dès lors, le droit au logement entrait dans la même catégorie que le droit au travail, celle des droits non assortis d'une obligation dont le manquement aurait pu justifier une intervention du juge.

Ainsi est maintenue la différence de traitement entre des droits civils et politiques (expression, opinion, circulation...), juridictionnellement garantis, et certains droits économiques et sociaux traités en parents pauvres, au mépris de la règle proclamée par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. L'idée de base est simple : pas de vraies libertés sans les conditions nécessaires à leur exercice. Geneviève de Gaulle-Anthonioz, dont on connaît l'admirable engagement à ATD-Quart Monde, l'exprimait ainsi : « Comment pouvez-vous être un travailleur régulier quand vous n'avez pas de logement, exercer votre droit à la culture si vous n'avez pas où mettre quelques livres ? (1) »

Le projet du gouvernement s'inscrit dans cette veine puisqu'il vise à rendre le droit au logement « opposable » au profit de ses bénéficiaires (les personnes en situation de grande difficulté, « sans ressources suffisantes », « sans abri », parents isolés avec enfants et, à partir de 2012, à « toutes les personnes logées dans des habitations insalubres ou indignes »). Ce qui veut dire que cette population, dont le nombre est estimé à 3 millions, sera en droit - le mot prend alors toute sa force - d'exiger du juge administratif satisfaction.

Mais qui assurera le résultat après la procédure ? L'État ou les communes ? Le premier garantit la possibilité de payer ; les secondes la proximité. Il semble que l'on s'oriente vers la première solution avec une délégation de la gestion à des institutions locales. Mais on ne peut se dissimuler les difficultés d'application d'un tel texte.

Pour apporter une vraie réponse, au-delà de l'« hébergement temporaire » dans des lieux d'accueil du type CHRS (Centres d'hébergement et de réinsertion sociale), il n'y aura d'autre solution que d'accélérer et d'amplifier la politique de l'habitat social, en déficit de 600 000 logements.

L'initiative spectaculaire des Enfants de Don Quichotte ne saurait faire oublier le patient travail mené depuis des années par des associations pionnières, comme Droit au logement ou Emmaüs.

(1) L'engagement, Seuil, 1998.

(*) Professeur à la faculté de droit de Brest.

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