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Gauche ouvrière et chrétienne
18 avril 2008

Exclusif: Clearstream, la lettre de Villepin à ses juges !

L'instruction de l'affaire Clearstream est close mais avant que le procureur ne prenne ses réquisitions, Dominique de Villepin tire sa dernière salve. Il s'en prend, une dernière fois, à Nicolas Sarkozy. Marianne révèle le contenu de son ultime lettre aux juges.


(Bruno Lemaire - flickr)

«Toute l'instruction a été construite pour Nicolas Sarkozy» L'instruction de l'affaire Clearstream est close mais avant que le procureur ne prenne ses réquisitions et que les juges d'instruction ne décident du renvoi des différents protagonistes devant le tribunal correctionnel, Dominique de Villepin a tiré sa dernière salve.

Dans une longue lettre adressée, mercredi, aux juges Henri Pons et Jean-Marie d'Huy, et que Marianne s'est procurée, l'ancien Premier ministre se défend une fois de plus de toute implication dans l'affaire des listings falsifiés et souligne les immenses lacunes de l'instruction.

Surtout, il s'en prend une fois encore à Nicolas Sarkozy qui aurait selon lui, été le véritable inspirateur de l'enquête. «Nicolas SARKOZY ayant été présenté en victime quasi unique, va s'imprimer l'idée que les listings transmis au Juge VAN RUYMBEKE ont été élaborés dans la seule perspective de le salir et de brider ses ambitions. Dans l'un de ses rapports, la DST ne manque d'ailleurs pas de souligner ce fait étrange : l'entourage de Nicolas SARKOZY s'est activé dans les médias pour revendiquer ce statut de victime alors que Nicolas SARKOZY n'avait jamais été mis en cause nominativement», écrit ainsi Dominique de Villepin.

Et l'ancien chef de gouvernement de poursuivre : «Peu importeraient les thèses médiatiques, si elles n'avaient pas conditionné l'information judiciaire, jusqu'à en devenir un élément central (…) Nul ne le contestera : toute l'instruction n'a été conçue que sur l'idée qu'il n‘y avait qu'une seule victime, et partant, une unique partie civile. En réalité, l'affaire a été instruite comme si les faits ne pouvaient être compris qu'à travers la rivalité de deux hommes politiques, l'un devenu l'emblématique victime, et l'autre, pour les besoins de ce scénario, le coupable idéal.»

A la veille de son probable renvoi devant le tribunal, Dominique de Villepin, conclut sur cette évidence : «Qui pourrait sérieusement soutenir que la Justice aurait accordé à cette affaire une telle attention aussi disproportionnée, ciblée et pour tout dire sans précédent si, sur les listings, n'avaient figuré que des personnalités peu connues ?»

Plus rien ne devrait désormais changer et Dominique de Villepin aura à s'expliquer devant le tribunal. Nicolas Sarkozy y sera lui aussi, en sa qualité de partie civile, mais représenté par son avocat dévoué, le fidèle Thierry Herzog.

Voici, in extenso, la dernière lettre de Dominique de Villepin portée à l'instruction dans le cadre de l'affaire Clearstream :




Paris, le 16 avril 2008



« A défaut du voleur… il faut bien, n'est-ce pas, arrêter quelqu'un ?…
Au fait, peut-être est-on convaincu, à la Sûreté que c'est M. Guillaume Apollinaire qui a volé la Joconde. La Sûreté et le Parquet doivent au public des explications précises. M. Guillaume Apollinaire a été indignement cuisiné par des gens ignorants qui, dans l'impossibilité où ils sont de donner aux Parisiens la Joconde, jettent en pâture à leur propre appétit de répression un artiste et un homme de lettres. Même si l'inculpé obtient, et cela se doit, un non-lieu, c'en est déjà trop. »

Le Journal, 9 septembre 1911.


Messieurs les Présidents,


À l'heure où vous estimez votre instruction terminée, j'entends vous livrer les réflexions que m'inspire ce dossier. Je le ferai sans détour, non sans rappeler d'emblée, que je ressens comme une grande injustice ma mise en cause, d'abord médiatique, puis ensuite judiciaire.

Tant que j'ai été Premier ministre, me consacrant à ma tâche, j'ai ignoré maintes attaques, souvent très basses, lancées contre moi à l'occasion de cette affaire. Cette réserve n'avait rien d'une esquive : le service de l'Etat exigeait que je ne m'y abaisse pas. Le temps venu de m'expliquer devant vous comme témoin, j'ai souhaité, pendant les dix-sept heures de mon audition, vous présenter la réalité et la limite de mon intervention dans cette affaire qui s'inscrivait alors dans le cadre strict de mes responsabilités gouvernementales. Puis, mis en examen sept mois plus tard, j'ai renoncé à soulever votre incompétence au profit de la Cour de Justice de la République. Nombreux étaient pourtant ceux qui m'y poussaient et non moins nombreux ceux qui se sont étonnés de ma décision. Mais j'ai rejeté cette option procédurale, pour ne pas laisser croire que je choisissais mes juges et désireux que j'étais de m'expliquer le plus rapidement possible devant vous qui avez instruit cette affaire dès le départ.

Pour les mêmes raisons, j'ai écarté l'idée d'un débat sur la procédure et les vices qui l'affectent. La tentation était pourtant grande de contester dans sa forme une mise en examen qui malmène le fait unique sur lequel elle se fonde, à savoir l'instruction que j'aurais donnée à Jean-Louis GERGORIN d'aller voir le juge VAN RUYMBEKE pour lui dénoncer des faits que je savais faux.

Quand ce dernier la décrit, sans plus, comme l'instruction d'« aller voir un juge » pour lui montrer des listings dont il était persuadé de la véracité, les chefs de mis en examen, de manière éminemment contestable, transforment cette instruction prétendue, sèche et imprécise, en plusieurs instructions, toutes plus détaillées les unes que les autres : d'aller voir tel juge, de lui adresser des documents précis, de lui dénoncer des personnes dénommées au moyen de courriers anonymes pour leur imputer des opérations de corruption ou de blanchiment de fonds. Ce point de procédure n'est pas de détail puisqu'il semble fonder votre raisonnement. Qui s'y arrête conçoit que pour me mettre en cause judiciairement, il a fallu en rajouter, en complétant, pour l'enrichir, le récit de celui qui m'attribue un rôle que je n'ai jamais eu.

Avec la plus grande fermeté, j'entends rappeler la vérité dans ce dossier. Jean-Louis GERGORIN qui a été, je le rappelle, mon supérieur pendant deux ans au Centre d'Analyse et de Prévision du Ministère des Affaires étrangères, m'a informé le 1er janvier 2004 de l'existence éventuelle d'un circuit international de blanchiment sur lequel enquêtait le Général RONDOT, lui-même ancien conseiller du Centre d'Analyse et de Prévision. Je les ai invités tous les deux à une réunion le 9 janvier suivant. Quoi que l'on ait dit de cette initiative, je la revendique dès lors que les faits évoqués par Jean-Louis GERGORIN avaient d'abord une dimension internationale.

À l'issue de cette réunion, je n'ai demandé qu'une seule chose au Général RONDOT, et à lui seul : me tenir informé du résultat de ses investigations. Dans mon esprit, soit elles devaient confirmer l'existence de ce circuit, soit au contraire, elles devaient conclure à son inexistence. À ce stade je n'avais évidemment aucune certitude. Pas plus d'ailleurs que le Général RONDOT lui-même, déjà en charge du dossier depuis plusieurs mois.

Le 9 janvier 2004, il est exact que des noms ont été cités, notamment d'hommes politiques, d'industriels, et de hauts fonctionnaires. Que l'on veuille l'admettre ou non, ce ne sont pas ces noms qui ont principalement retenu mon attention. Pour moi, il s'agissait avant tout, d'évaluer si un tel système existait, avant de rechercher ceux qui, éventuellement, en auraient été les utilisateurs. Je me suis montré d'autant plus circonspect que dans d'autres affaires j'avais pu constater que les patronymes de noms de personnes connues étaient parfois utilisés à leur insu par des tiers, pour brouiller les pistes.

Est-il sérieux dès lors de me reprocher d'avoir recommandé au Général RONDOT la plus grande discrétion ? Qu'aurais-je pu, qu'aurais-je dû faire d'autre ? Que n'aurait-on dit si l'on avait prévenu les prétendus bénéficiaires de comptes étrangers ? Il est bien évident que tout responsable politique, soucieux de la réputation des personnes concernées, mais aussi pour permettre à l'enquête de se poursuivre, aurait recommandé, dans un cas semblable, la plus grande discrétion jusqu'à sa conclusion. N'est-ce pas d'ailleurs ce qui se passe actuellement dans les enquêtes menées dans plusieurs pays européens, comme en France, sur les bénéficiaires de comptes au Lichtenstein soupçonnés d'y avoir déposé les produits de fraude fiscale ?

Le Général RONDOT ne s'est alors pas manifesté et je n'avais aucune raison de m'en inquiéter, partant du principe qu'il serait revenu vers moi s'il avait disposé d'éléments nouveaux, intéressants, voire même probants. Il était pour moi le seul interlocuteur, compte tenu de ses fonctions de coordonnateur du Renseignement au Ministère de la Défense, et c'est pourquoi, le 14 avril 2004, quand j'ai décoré Jean-Louis GERGORIN et que ce dernier a essayé à cette occasion de m'entretenir du dossier CLEARSTREAM, je l'ai renvoyé vers le Général RONDOT.

Au mois de juillet 2004, lorsque est paru l'article du POINT consacré à CLEARSTREAM, j'ai alors pris, en tant que Ministre de l'Intérieur, deux initiatives. D'abord, j'ai saisi la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), dépendant de mon Ministère. L'aurais-je fait si j'avais eu à craindre qu'elle ne découvre le rôle que l'on m'impute aujourd'hui ? Ensuite, j'ai demandé au Général RONDOT de me faire le point de ses investigations, ce que je n'aurais pas eu besoin de faire si, comme on le prétend, Jean-Louis GERGORIN m'avait régulièrement et précisément tenu informé. Et enfin, comment mieux démontrer ma bonne foi, en rappelant que j'ai alors demandé au Général RONDOT de prendre attache avec la DST pour lui confier, sans restriction, ce qu'il sait sur cette affaire.

A ce stade, je ne peux que souligner l'incohérence des accusations portées contre moi. Celui qui, à deux reprises, a demandé des vérifications à des services réputés compétents, aurait participé dans le même temps à une entreprise de falsification et de dénonciation calomnieuse, multipliant ainsi les risques d'être démasqué.

Pour achever de décrire ce qu'a été très précisément mon action, j'ajouterai qu'à partir du mois de juillet 2004, avec insistance, Jean-Louis GERGORIN s'est défendu d'être le corbeau. Il s'en est défendu énergiquement, tant par le biais d'interviews que dans les lettres qu'il m'a adressées les 8 et 15 novembre 2004 et que je vous ai demandé de verser au dossier de la procédure. Si j'avais été à l'origine de la rencontre de Jean-Louis GERGORIN avec le Juge VAN RUYMBEKE, pourquoi aurait-il alors éprouvé le besoin de se défendre auprès de moi d'être le « soi-disant corbeau » ?

Les vérifications de la DST ont donné lieu à plusieurs rapports d'étapes et, le 9 décembre 2004, à un rapport conclusif, tous versés à la procédure. Le dernier d'entre eux établit sans ambiguïté que la DST, à cette époque encore, demeurait dans l'incertitude tant de l'identité du ou des auteurs des envois au juge, que des buts qu'il(s) poursuivai(en)t. À ce moment-là, la Justice ayant été saisie de ce dossier par la plainte de Monsieur DELMAS, je n'avais plus, en ma qualité de ministre, à me préoccuper de ce dossier et, dès avant cette date, le directeur de la DST était allé voir Yves BOT, le Procureur de Paris pour lui donner ses impressions sur cette affaire.


À la faveur de quelle construction, mon rôle marginal est-il devenu le pôle d'attraction de ce dossier ? Rappelons-nous qu'avant même l'ouverture de l'information judiciaire, a été distillée puis assenée la thèse d'un complot ourdi par moi-même et le Président de la République, Jacques CHIRAC, pour nuire à Nicolas SARKOZY.

Une question double se pose alors. Comment, et au profit de qui, cette thèse a-t-elle été imposée, avant même que l'instruction n'ait pu recueillir le moindre élément ?

Force est de l'admettre, Nicolas SARKOZY ayant été présenté en victime quasi unique, va s'imprimer l'idée que les listings transmis au Juge VAN RUYMBEKE ont été élaborés dans la seule perspective de le salir et de brider ses ambitions. Dans l'un de ses rapports, la DST ne manque d'ailleurs pas de souligner ce fait étrange : l'entourage de Nicolas SARKOZY s'est activé dans les médias pour revendiquer ce statut de victime alors que Nicolas SARKOZY n'avait jamais été mis en cause nominativement comme titulaire d'aucun compte, ni médiatiquement, ni judiciairement. Il faut rappeler qu'à l'origine, d'aucuns ont pu penser que c'était un familier de l'intéressé et non pas lui-même qui était visé.

Peu importeraient les thèses médiatiques, si elles n'avaient pas conditionné l'information judiciaire, jusqu'à en devenir un élément central.

Nul ne le contestera : toute l'instruction n'a été conçue que sur l'idée qu'il n‘y avait qu'une seule victime, et partant, une unique partie civile. Qu'importe si la falsification des listings a commencé dès février 2003, soit près d'un an avant que je n'aie été alerté sur CLEARSTREAM !

Qu'importe que d'autres hommes politiques de premier plan y aient figuré, dès 2003, sous leur véritable patronyme puisque les raisons pour lesquelles ils y apparaissent ont été jugées sans intérêt !

Qu'importe que Jean-Louis GERGORIN n'ait jamais évoqué les comptes NAGY et BOKSA avec le Juge VAN RUYMBEKE et que son premier envoi (qui devait dans son esprit être le dernier), consacré à la description d'un réseau uniquement industrialo-mafieux, ne les mentionnait guère plus !

En réalité, l'affaire a été instruite comme si les faits ne pouvaient être compris qu'à travers la rivalité de deux hommes politiques, l'un devenu l'emblématique victime, et l'autre, pour les besoins de ce scénario, le coupable idéal.

En effet, qu'est-ce qui justifie quarante et un tomes de procédure, plus de quatre mille deux cents cotes, dans une affaire de dénonciation calomnieuse ?
Qu'est-ce qui imposait des auditions marathon, peu compatibles, en ce qui me concerne, avec la maigreur des faits ?
Qu'est-ce qui légitimait cette mobilisation policière sans précédent dans ce type d'affaire ?
Qu'est-ce qui appelait la mise en branle inutile d'experts pour décrypter un CD ROM contenant mes archives personnelles ?

Rien, absolument rien, sinon cette évidence : la qualité d'une des parties civiles, seule considérée, et, par voie de conséquence, la nécessité de construire un coupable à sa hauteur.

Qu'on ne prétende pas le contraire. Qui pourrait sérieusement soutenir que la Justice aurait accordé à cette affaire une telle attention aussi disproportionnée, ciblée et pour tout dire sans précédent si, sur les listings, n'avaient figuré que des personnalités peu connues ?

Qu'on ne s'y trompe pas : quarante et un tomes de procédure n'ont pas pu combler le vide d'une construction qui ne repose sur aucun élément matériel sérieux et qui ne résiste pas à ses contradictions internes.


En voici quelques exemples topiques : le 9 janvier 2004, j'aurais indiqué que le Président de la République entendait que les services techniques de la Direction Générale des Services Extérieurs (DGSE) apportent leur concours au Général RONDOT dans le cadre de son enquête. Pourtant le Général, aussi obéissant et respectable fut-il, aurait pris immédiatement sur lui d'ignorer cet ordre et cela sans aucune conséquence !

Mieux encore, nous n'aurions eu de cesse, Jean-Louis GERGORIN et moi-même, d'insister pour que ces services techniques vérifient la fiabilité des informations recueillies par la source. Et cela serait bien entendu compatible avec l'intention délictuelle qui nous est prêtée !

Il faudrait encore croire, qu'ayant pour unique cible Nicolas SARKOZY, je n'aurais jamais invité Jean-Louis GERGORIN à centrer sur lui les courriers qu'il a adressés au juge.

Plus encore, animé d'un dessein très noir auquel j'aurais attaché la plus haute importance, je ne me serais pourtant jamais préoccupé de la suite donnée à ma prétendue instruction. Qu'on s'en souvienne : dans son récit incohérent, Jean-Louis GERGORIN serait revenu vers moi le 19 mai 2004, soit un mois, voire un mois et demi, après cette soi-disant instruction, non pas parce que je l'aurais convoqué mais parce qu'il aurait éprouvé le besoin de m'informer d'un élément nouveau ! Ce qui signifie implicitement mais nécessairement qu'en l'absence de fait nouveau, il ne serait pas revenu vers moi. C'est dire le peu d'intérêt que j'aurais ainsi porté aux suites de ma dénonciation !

Mieux encore, j'ai été mis en examen sur la foi du récit de Jean-Louis GERGORIN qui, ce même 19 mai, m'aurait vu « jubilant ». J'aurais en effet cru que la fermeture, un week-end ( !), de plus de huit cents comptes chez CLEARSTREAM, aurait été la conséquence de l'action du Juge VAN RUYMBEKE. Pourquoi, ceux qui veulent absolument croire à cette fable, ne tirent pas les conséquences de cette « jubilation » et n'en déduisent pas que celui qui « jubile » ignore nécessairement que les informations transmises au juge sont fausses ? Car s'il n'était pas de bonne foi, comment pourrait-il croire que l'action du juge a eu un impact sur des comptes inexistants ?

Avec le scalpel infecté du préjugé, on n'a retenu que ce qui permettrait de me mettre en cause dans les notes, carnets et abréviations du Général RONDOT, comme dans les déclarations successives de Jean-Louis GERGORIN pour occulter le reste, c'est-à-dire tout ce qui pouvait constituer des éléments à décharge susceptibles de contribuer à la pleine manifestation de la vérité. Construction schizophrène qui, au passage, fuit ces questions cruciales : le Général RONDOT, qui travaillait sur ce dossier bien avant qu'il ne soit porté à ma connaissance, n'avait-il pas intérêt à minimiser son rôle pour protéger au maximum son Ministère ? Quant à Jean-Louis GERGORIN, comme tout dans ce dossier en porte la marque, n'avait-il pas intérêt, à l'époque, à se servir de mon nom pour justifier ses initiatives personnelles et se couvrir ?

Je ne veux pas mettre en cause la bonne foi de Jean-Louis GERGORIN. Malheureusement, il est de ceux qui croient vrai tout ce qui va dans le sens de leurs obsessions. Il est celui qui a multiplié, seul, les initiatives. Seul, il a décidé de saisir le Général RONDOT, quand ce que lui transmettait sa source, selon lui, aurait été un sujet de crainte pour son entreprise qu'il n'a pourtant pas alertée. Seul, et sans en prévenir le Général RONDOT qui lui en a fait l'amer reproche, il m'a informé de cette affaire, estimant que l'enquête n'allait pas assez vite. Seul, il a décidé de voir un juge considérant que, malgré mon intervention, le Général RONDOT ne mettait toujours pas en œuvre les moyens nécessaires pour percer à jour ce système de corruption et de blanchiment auquel il croyait ardemment.

Plutôt que de s'attacher à cet aspect de la personnalité de Jean-Louis GERGORIN, on a préféré croire à une dénonciation calomnieuse plus qu'improbable consistant, pour ma part, à vouloir rester dans l'ombre, tout en lui demandant de se présenter à découvert devant un juge !

La simplification du préjugé, l'absence de toute analyse, conduisent ceux qui m'accusent à oublier cette question essentielle : puisqu'à les entendre, j'aurais donné instruction à Jean-Louis GERGORIN, à quel moment aurais-je su que les listings étaient faux ? Le Général RONDOT me l'aurait-il dit le 9 janvier ? Non. Jean-Louis GERGORIN s'en était-il ouvert à moi ? Jamais, puisqu'il s'est toujours présenté à moi comme convaincu de leur véracité.

En effet, le Général RONDOT n'est jamais revenu vers moi, en dépit de ce que soutient fallacieusement la synthèse policière ubuesque de ce dossier. Non seulement, je ne l'ai pas vu du 9 janvier au 19 juillet 2004, mais plus encore, il n'aura eu de certitude quant à la fausseté des listings qu'après son ultime vérification : un voyage qu'il a effectué en Suisse, fin juillet 2004, auprès des services secrets de ce pays. Sinon comment aurait-il pu, convaincu de la fausseté des listings, associer la source qui les lui a fournis à un autre dossier, extrêmement sensible, traité en collaboration avec la CIA ?

Mais tout cela, encore une fois, il faudrait l'oublier. Ne pas se poser les bonnes questions, ne pas remettre en cause un schéma préétabli, simpliste et caricatural. Tout élément non conforme à ce schéma d'accusation est ignoré et l'on en arrive à ce résultat inéluctable : la montagne a accouché d'une souris au terme d'une longue fuite en avant alors que toutes les accusations portées contre moi sur la place publique ont été les unes après les autres démenties : ainsi, il a d'abord été fait état d'un prétendu rapport de la DST, que j'aurais demandé à mon arrivée au Ministère de l'Intérieur, dont il a été démontré qu'il n'existait pas. De même, les perquisitions spectaculaires à mon domicile et à mon bureau n'ont servi qu'à monter en épingle le mystérieux DVD crypté qui s'est avéré n'avoir aucun lien avec l'enquête. Puis certains ont voulu voir un nouveau rebondissement dans la découverte d'un ordinateur à Beyrouth, mais là encore l'affaire a tourné court.

S'il faut en croire la synthèse policière, les listings comportant de nombreux autres noms, n'ont été transmis au juge dans un seul dessein : celui d'empêcher Nicolas SARKOZY d'accéder à la présidence de l'UMP ! Heureusement que le ridicule ne tue point. Si les policiers en sont réduits à ce scénario, c'est pour des raisons évidemment chronologiques.

En effet, en avril 2004, l'échéance présidentielle est lointaine. Trop pour que la dénonciation qui viserait Nicolas SARKOZY ne soit pas éventée dans un délai incompatible avec cette échéance. Il fallait donc en trouver une plus proche et tenir pour acquis que je ne voulais pas que Nicolas SARKOZY accède à la tête de l'UMP. Alors qu'en réalité j'en ai soutenu l'idée ! Cette reconstruction hasardeuse en dit long sur le crédit que mérite cette enquête.

Ainsi donc je n'ai jamais donné d'instruction à qui que ce soit de dénoncer quelque fait que ce soit dont il aurait été prouvé que j'en connaissais la fausseté. Le délit dont on veut me charger nécessiterait pourtant une preuve irréfutable de ce que j'aurais donné une instruction précise de dénoncer des faits que je savais faux. Ce délit est inexistant sur le plan juridique et il l'est tout autant sur un plan politique et médiatique.

Je vous remercie, Messieurs les Présidents, de l'attention que vous porterez à ces quelques réflexions au moment de décider de l'avenir de cette procédure. Je demande à mes avocats de bien vouloir vous inviter à en tirer toutes les conséquences juridiques. C'est l'objet de la note qu'ils élaborent et qui vous sera transmise dans les jours qui viennent. Il va sans dire que je n'ai rien à craindre d'un éventuel procès, bien au contraire.

Je vous prie de croire, Messieurs les Présidents, en l'assurance de mes sentiments distingués.


Dominique de VILLEPIN


Jeudi 17 Avril 2008  marianne2

Eric Decouty

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