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Gauche ouvrière et chrétienne
18 avril 2008

Etrangers : les audiences délocalisées en centre de rétention jugées illégales

LE MONDE | 18.04.08 

La justice ne peut être rendue dans un centre de rétention administrative (CRA) : ainsi en a décidé, mercredi 16 avril, la Cour de cassation, dans trois arrêts condamnant l'existence d'une salle d'audience dans l'enceinte du CRA du Canet, au nord de Marseille.

La première chambre civile de la Cour statuait sur les pourvois de trois étrangers en situation irrégulière. Soutenus par l'ordre des avocats de Marseille et le Syndicat des avocats de France, ils estimaient que les décisions des juges des libertés et de la détention (JLD) qui ont prolongé leur rétention étaient nulles, car prises au coeur même du centre.

Incidents de Vincennes : cinq policiers gardés à vue
Cinq policiers ont été placés en garde à vue avant d'être remis en liberté, jeudi 17 avril, dans le cadre de l'enquête sur les incidents survenus dans la nuit du 11 au 12 février au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes (Val-de-Marne), qui avaient provoqué l'hospitalisation de plusieurs personnes. Les fonctionnaires, un commissaire, un commandant et trois gardiens de la paix, appartiennent à la brigade anti-criminalité. Les policiers étaient intervenus après le refus de certains étrangers retenus de réintégrer leurs chambres le soir. Les témoignages recueillis par la Cimade, seule association autorisée à entrer dans les CRA, ont fait état d'une intervention "musclée" de la police. La préfecture de police avait reconnu qu'un policier avait fait usage d'un Taser, pistolet à impulsion électrique. Deux enquêtes avaient été ouvertes, l'une administrative et l'autre judiciaire.

Depuis le 4 septembre 2006, les étrangers retenus au Canet sont entendus par les JLD dans une salle d'audience "délocalisée" du tribunal, dans l'enceinte même du centre de rétention. Cette délocalisation a été décidée par l'administration en application de la loi du 26 novembre 2003 réformant le droit d'asile. Le texte a prévu que le juge des libertés peut statuer dans des salles "spécialement aménagées à proximité immédiate (du) lieu de rétention".

AU PALAIS DE JUSTICE

Le premier président de la cour d'appel d'Aix avait, en septembre 2006, considéré que la situation de la salle du Canet "correspondait bien aux prescriptions" de la loi et avait débouté les trois requérants. Selon lui, cette salle d'audiences était "située dans l'enceinte commune du centre de rétention, de la police aux frontières et du pôle judiciaire (...) à proximité immédiate des chambres où sont retenus les étrangers" et disposait "d'accès et de fermeture autonomes".

Mais pour la Cour de cassation, "la proximité immédiate exigée par l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est exclusive de l'aménagement spécial d'une salle d'audience dans l'enceinte d'un centre de rétention".

Le président du tribunal de grande instance de Marseille a aussitôt pris acte de cette décision de portée normative et décidé que, dès jeudi 17 avril, les audiences concernant les étrangers retenus au centre du Canet se dérouleraient à nouveau au palais de justice.

Son homologue de Toulouse en a fait de même. Dès l'ouverture, le 1er juillet 2006, du nouveau centre de rétention de Cornebarrieu, installé en bordure immédiate des pistes de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, les audiences judiciaires avaient été tenues dans les locaux. Désormais, elles le seront au tribunal.

En revanche, la troisième salle d'audience "délocalisée" pour étrangers en situation irrégulière qui avait été ouverte dès juin 2005 à Coquelles (Pas-de-Calais) ne sera pas, dans l'immédiat, fermée. Le juge des libertés de Boulogne-sur-Mer a informé les avocats qu'il continuerait à y tenir ses audiences. Le magistrat considère que la configuration n'est pas la même qu'à Toulouse ou Marseille. A Coquelles, les jugements sur le maintien en rétention sont bien prononcés dans l'enceinte générale du CRA, mais le juge statue dans un bâtiment distinct de celui où sont retenus les étrangers.

La décision de la Cour de cassation traduit la volonté de l'autorité judiciaire d'affirmer l'importance de la symbolique de la justice : une audience statuant sur la liberté des personnes ne peut se tenir n'importe où. Magistrats, avocats et associations d'aide aux immigrés, qui n'ont eu de cesse, depuis l'ouverture de la première salle d'audience délocalisée à Coquelles, de dénoncer une "justice d'exception pour les étrangers", ont salué comme une victoire cette décision.

Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 19.04.08.

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