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Gauche ouvrière et chrétienne
24 février 2008

Immigrés : le leurre du choix

Les employeurs des sans-papiers peuvent demander leur régularisation. Première percée ou illusion ?

CATHERINE COROLLER

QUOTIDIEN : vendredi 22 février 2008

 

Les demandes commencent à arriver. Depuis la publication de la circulaire du 7 janvier 2008 sur la régularisation des salariés sans papiers, la préfecture de la Seine-Saint-Denis reçoit une quarantaine de dossiers par jour. De la part de qui ? Le sujet est sensible. L’administration refuse de préciser le profil des patrons demandeurs, et de dire si le préfet leur a donné satisfaction. Dans les Hauts-de-Seine, les six demandes ont toutes été rejetées. Dans d’autres préfectures comme celle du Rhône, on refuse de communiquer le moindre chiffre sur le sujet.

Les associations de défense des sans-papiers - comme Droits devant - et la CGT ont bien l’intention pour leur part d’exploiter le filon. Pour elles, la régularisation de sept cuisiniers sans papiers du restaurant de luxe parisien la Grande Armée, obtenue mardi au titre de cette circulaire, ouvre une brèche. Forte de ce qu’elle qualifie de «premier succès», la CGT réclame l’organisation d’une table ronde avec les ministères du Travail et de l’Immigration, ainsi qu’avec les organisations patronales, pour «pouvoir régler le cas de dizaines, voire de centaines de milliers de travailleurs sans papiers».

Liste. En septembre, alors que le Parlement examine la loi Hortefeux sur l’immigration, Frédéric Lefebvre, nouveau député des Hauts-de-Seine, très proche de Sarkozy, dépose un amendement prévoyant la régularisation «à titre exceptionnel» de travailleurs immigrés en situation irrégulière dans des métiers ou des régions de France connaissant des difficultés de recrutement. Cette disposition plutôt libérale tranche avec la tonalité très répressive de ce texte. Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, elle est reprise par la circulaire du 7 janvier. Celle-ci précise les conditions dans lesquelles l’étranger peut être régularisé. Il doit apporter la preuve d’un engagement ferme de son employeur (contrat de travail ou promesse d’embauche). Et justifier d’une qualification figurant dans la liste des 30 professions très qualifiées ouvertes aux ressortissants des pays non membres de l’Union européenne. L’objectif est clair : faire de l’immigration «choisie», dada sarkozien, sur le stock de travailleurs sans papiers - entre 200 000 et 400 000 personnes - déjà installés en France.

«Bonne foi». En théorie, l’embauche de sans-papiers est illégale. Les patrons risquent une amende. La circulaire précise toutefois que les employeurs de bonne foi ne seront pas inquiétés. La plupart des étrangers en situation irrégulière travaillent en effet avec des faux papiers. Les associations d’aide aux étrangers flairent le piège. «Une rumeur court en ce moment parmi les sans-papiers et parmi les employeurs : la réforme de la loi sur l’immigration du 20 novembre dernier permettrait la régularisation des étrangers qui travaillent ou qui détiennent une promesse d’embauche, avertit le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) en décembre. Beaucoup d’étrangers se précipitent dans les préfectures. Certains ont déjà fait l’objet d’interpellations au guichet.»

Double langage. Dans la circulaire, le ministre de l’Immigration tient un double langage. D’un côté, il demande aux préfets de montrer une «diligence particulière» si le dossier est signalé par l’employeur lui-même. De l’autre, il affirme que «ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires, la finalité n’étant pas d’engager une opération générale de régularisation». «Les étrangers en situation irrégulière ont vocation à regagner leur pays d’origine», insiste Hortefeux.

Au cabinet du ministre de l’Immigration, on se montre peu impressionné par les quarante demandes journalières enregistrées par la préfecture de Seine-Saint-Denis. «C’est beaucoup moins qu’en juin 2006.» La promesse d’une régularisation exceptionnelle des parents sans papiers d’enfants scolarisés avait alors provoqué un afflux dans les préfectures. Sur 30 000 dossiers déposés, 6 924 avaient reçu une réponse favorable. Combien de demandes ont été déposées cette fois-ci ? Et combien de personnes ont eu satisfaction ? L’administration répond qu’«elle n’en tient pas la comptabilité» et qu’il s’agit de décisions «au cas par cas».

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