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Gauche ouvrière et chrétienne
17 février 2008

Les trois «si» du futur PAF

Le financement et la redéfinition des missions sont encore dans le flou.

R.G. et I.R.

QUOTIDIEN : mercredi 13 février 2008

 

La belle idée que voilà! Mais depuis plus d’un mois que l’annonce a été faite, aucune réponse concrète n’a été donnée sur les moyens de compenser la pub, ou sur ce que les programmes des chaînes publiques vont devenir, et à France Télévisions l’inquiétude gagne. Et pas qu’à France Télévisions: en janvier, deux sondages ont montré que la pourtant très démagogique annonce ne plaît pas autant qu’escompté, atteignant 50% de téléspectateurs défavorables (contre 45% favorables) dans un sondage Ipsos. Les gens sont d’un désagréable… Allons, allons, Nicolas, pour une fois «Libération» va vous consoler: la suppression de la pub à France Télévisions est la meilleure idée du monde, mais si et seulement si…

…Si le manque à gagner est compensé

Le chiffre a été dit et répété: le manque à gagner de la pub sur France Télévisions, c’est 800 millions d’euros. Et même, calcule-t-on à sein du service public, 1,2 milliard d’euros car il faudra produire de nouveaux programmes en lieu et place de la pub. Soit, au total, plus de quatre heures par jour. Comment et où trouver l’argent? Premières pistes, avancées par Sarkozy dès le 8 janvier: «une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées» et «une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaires de nouveaux moyens de communication, comme l’accès à Internet ou la téléphonie mobile.» Tiens, Sarkozy qui veut taxer son copain Bouygues, patron de TF1… Depuis, à part le retour de la vignette auto ou de la gabelle, on a eu droit à peu près à tout: une taxe sur le hors médias, c’est-à-dire les prospectus, mailing, etc., qui atteint 10 milliards d’euros. Mais aussi une taxe sur les récepteurs télé. Et chaque nouvelle idée de taxe déclenche des cris d’orfraie chez les intéressés. Aujourd’hui, le gouvernement réfléchit à un subtil panachage de ces différentes taxes mais en lorgnant clairement vers les opérateurs télécoms. «Les opérateurs télécoms c’est 43 milliards de chiffre d’affaire, fait-on remarquer au ministère de la Culture, si on les taxe de 1%, on obtient 430 millions d’euros, 2%, c’est 860 millions d’euros, soit plus que la compensation de la pub.» Sûr que ça fait rêver, mais les opérateurs télécom, ne l’entendant pas de cette oreille, fourbissent leurs armes. Au passage, TF1 se frotte les mains: ce ne sont plus ses recettes publicitaires qui seraient taxées mais le surplus venu de France Télévisions… Autre aubaine, en guise de consolation, les privées devraient voir assouplies les règles de diffusion de la pub. Et pour rajouter au flou de l’affaire, toute la pub ne disparaîtra pas des antennes publiques, qui conserveraient le parrainage, et le gouvernement réfléchit aussi à ne pas supprimer la réclame pour les produits culturels, livres ou disques: Pascal Nègre, PDG d’Universal, serait venu pleurer dans les jupons de Christine Albanel que ce n’est pas sur TF1 qu’il arrivera à écouler des galettes de la chanteuse lyrique Cecilia Bartoli… Enfin, incohérence quand tu nous tiens, RFO qui fait partie du service public garderait sa pub.

…Si le financement est pérennisé

«Nous n’avons aucune garantie de pérennité et chaque année, il va falloir aller mendier à l’Assemblée», déplore Jean-François Téaldi, porte-parole de l’intersyndicale de l’audiovisuel public. En 2000, France Télévisions avait péniblement obtenu un contrat d’objectifs et de moyens sur cinq ans, manière de faire son budget à long terme. Désormais, la laisse va être très courte: à chaque discussion budgétaire au Parlement, le président de France Télévisions devra défendre son bout de gras pour voir les taxes reconduites et ce, au gré de l’humeur des différentes majorités. Facile après ça, pour les rédactions des chaînes publiques, d’exercer leur métier en toute indépendance… A noter: en Grande-Bretagne, le budget de la BBC est voté pour dix ans, de manière justement à éviter la dépendance de la télé publique vis à vis du pouvoir. Et puis, les différentes taxes seront fluctuantes, en fonction des résultats de TF1, M6, SFR, Orange, de la vente des téléviseurs… Il sera facile, en cas de taxe pas assez rémunératrice, de plaider la privatisation ou la fermeture pure et simple d’une chaîne, ainsi que M6 le proposait hier au sujet de France 4.

…Si la différence se voit

Attention les yeux, voici l’énorme changement induit par la suppression de la pub, roulement de tambour: les soirées sur la télé publique commenceront à… 20h40. «C’est très important, insiste-t-on au ministère de la Culture, il y a une prime au programme qui commence en premier.» Mouais. Le léger décalage horaire devrait en effet être la conséquence la plus visible des quatre heures de pub en moins chaque jour. C’est que, malgré les idées reçues, la télé publique est déjà différente des privées: pas de téléréalité, pas de séries américaines au kilomètre, des magazines d’info à 20h50, des fictions françaises qui détonnent des Joséphine ange gardien de TF1 ou un magazine culturel quotidien sur France 3. Pour le reste, tout reste à faire: depuis quelques semaines, une réunion hebdomadaire se tient entre ministère et France Télévisions pour rédiger un nouveau cahier des charges. Mais houla, indique-t-on rue de Valois, «on n’en est pas encore à faire la grille, on réfléchit à comment renforcer les identités des chaînes». Christine Albanel a son idée: faire de France 4 une chaîne pour enfants le matin et pour ados l’après-midi. Ebouriffant quand on sait que Gulli, à moitié publique, remplit ce rôle. A France Télévisions, on parle d’augmenter les quotas de production française et européenne. Mais gaffe: des objectifs d’audience perdureront, et chiffrés. Pendant ce temps, les privées font leur lobbying: aimable, TF1 suggère un quota négatif. Si France 2 diffuse une heure de série américaine, elle sera tenue de programmer une heure de fiction française. Sympa. M6 suggère quant à elle d’interdire à France Télévisions d’entrer dans la course aux droits sportifs. Pour le bien du contribuable, évidemment.

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