|
omment la France pourra-t-elle se passer de la cigarette ? L'interdiction de fumer dans les lieux publics est largement perçue par la presse étrangère comme une atteinte à la culture française."Le Café de Flore de même que ses voisins Les Deux Magots et la Brasserie Lipp doivent leurs noms inscrits dans l'Histoire – et dans les guides touristiques – à leurs anciens clients fumeurs, comme Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir", note le Guardian.
Pour le quotidien britannique, la cigarette représente en France un véritable art de vivre : "Une marque de cigarette était considérée comme une part de la personnalité : le chanteur rebelle et débraillé Serge Gainsbourg y allait de sa Gauloise sans filtre – au slogan 'Liberté toujours' - alors que l'actrice au style raffiné Jeanne Moreau optait pour des cigarettes américaines avec filtre, ou utilisait tout au moins un porte-cigarette", observe le quotidien.
Pour le Los Angeles Times, il s'agit d'une véritable"tradition française" qu'on abat. Tout le problème pour l'Américain vivant en France est désormais d'"imaginer Paris, la ville de fumeurs de légende comme Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Belmondo ou Jean-Paul, le boucher du coin, sans ses omniprésents nuages de fumée". Et cette manière d'extirper le tabac de la culture française laisse sceptique : "On a déjà retouché des photos d'hommes célèbres, comme Malraux, qui apparaît désormais sur des timbres-poste sans sa cigarette à la bouche", déplore le quotidien américain.
"MOROSITÉ" DES BISTROTS DE CAMPAGNE Au-delà de la culture française, c'est aussi toute l'industrie française du tabac qui disparaît, "Altadis, le fabricant des cigarettes Gauloises et Gitanes, a fermé il y a deux ans ses usines en France et déménagé ses chaînes de montage du reconnaissable paquet bleu, avec son emblème de casque gaulois, en Espagne, où la main-d'œuvre est moins chère et les fumeurs plus nombreux", souligne le Washington Post.
La BBC britannique s'inquiète, elle, de la menace qui plane sur la France des campagnes, sur ces petites communes où "le bar est le seul endroit convivial où les gens se réunissent pour discuter". Et voit poindre une "morosité" de la France rurale.
Tout en évoquant "la fin d'un mythe", la Sueddeutsche Zeitung enjoint de ne pas être trop pessimiste quant à l'identité française. "Il s'agit sûrement d'un gain plus que d'une perte", analyse le journal d'outre-Rhin. Qui conclut fumeurs comme non-fumeurs ne peuvent que préférer "saisir le magnifique mélange d'odeur de café et de parfums de femmes" plutôt que de "s'entasser dans de ternes bistrots à l'épaisse fumée de cigarette".
Mathieu Szeradzki
|