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Gauche ouvrière et chrétienne
14 novembre 2007

Avant-postes

Maurice Ulrich

 En quel étrange pays dans notre pays lui-même sommes-nous, pour que le président de la République, dont on connaît le goût ostentatoire de l’argent et les amitiés dorées, vienne parler d’« équité » pour faire la leçon aux privilégiés que seraient les cheminots, gaziers, électriciens et autres ? 500 000 personnes, a-t-il dit, qui cotisent 37,5 années quand 25 millions cotisent 40 ans. En opposant les uns aux autres d’une manière à peine déguisée, le gouvernement et la droite semblent bien chercher l’affrontement. Déjà, deux mouvements, dont l’un s’appelle Alternative libérale, appellent à manifester dimanche contre les grèves. L’UMP roule des épaules, Xavier Bertrand prévient, « les grèves peuvent durer », et François Fillon, en affirmant qu’il ne fait pas de pronostic sur la durée de la grève, se la joue façon Bayard : « Quand on fait son devoir, on n’a pas peur. »

                         

             

Le gouvernement veut attaquer une place forte, et cette place ce n’est pas les régimes spéciaux, c’est le régime général des retraites. Mais il lui faut d’abord, pour cela, réduire les avant-postes. Les régimes spéciaux ne sont pas un privilège.

             

Ils ne sont même pas de réels avantages. Mais ils sont à la fois le symbole et pour partie la réalité de ce qu’ont permis les luttes sociales dans de grandes entreprises publiques, en même temps que le reflet de leurs performances économiques. EDF, GDF, la SNCF sont encore, pour le tout-libéral, comme l’oeil de la conscience dans le poème de Victor Hugo. Il faut les normaliser, les privatiser, réduire le rôle de leurs syndicats dans lesquels se reconnaissent nombre de leurs salariés.

             

Ce n’est pas un hasard, comme l’a écrit Bernard Thibault à Xavier Bertrand, « si tout a été fait depuis quinze jours pour tenir la CGT, première organisation syndicale à la SNCF, à la RATP et dans les industries électriques et gazières, à l’écart des concertations qui se sont multipliées ».

             

La France, nous dit-on, serait désormais une exception en Europe où, il est vrai, l’âge du départ à la retraite a été repoussé dans la plupart des pays. C’est avouer du même coup que l’objectif, au-delà des régimes spéciaux, c’est bien celui-là. Alignement sur les quarante ans, puis allongement progressif par étapes, et si on peut les brûler c’est mieux. Cela veut dire allongement de la durée de cotisation, alors même que les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active et que la précarité rend leurs droits de plus en plus incertains. Cela veut dire baisse des pensions. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les différents mécanismes déjà mis en place ont abouti dès maintenant à ce résultat : un salarié du privé parti à la retraite en 1998, touchait 81 % de son dernier salaire.

             

Né en 1985 et partant à la retraite en 2045, il ne toucherait plus que 47 % de cette dernière rémunération.

             

Ce qui se passe ces jours-ci n’est pas une dommageable escarmouche sur les derniers bastions du corporatisme. L’offensive ultralibérale contre l’ensemble des acquis sociaux et les retraites est massive, durable, et elle a déjà marqué des points et les consciences. Nombre de jeunes, aujourd’hui, dans cette Europe si développée, pensent qu’ils nmême pas de retraite. Ils sont du pain bénit pour les assurances privées. Ils sont un énorme marché. Un immense capital à rentabiliser. Mais c’est le capital, aujourd’hui, qu’il faut taxer. Quelques points de PIB, un modeste pourcentage des revenus financiers, plus de croissance réelle et moins de croissance financière, et l’avenir des retraites peut-être assuré.

             

Cela le gouvernement le sait et le gouvernement le tait.

             

La droite et le gouvernement, en jouant l’affrontement, voudraient que les Français en soient au moins les spectateurs, si possible qu’ils baissent le pouce.

             

Mais l’enjeu des jours à venir, c’est la retraite de tous et cet enjeu est aussi de civilisation.

L'umanité

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