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Gauche ouvrière et chrétienne
16 août 2007

Faut-il aller aux Jeux olympiques de Pékin ?

Le 19 juillet 1980, en fonction d'une décision prise dans une période de « détente Est-Ouest », s'ouvrit à Moscou la vingt-deuxième Olympiade. Sur 146 membres du Comité international olympique, 64, à l'appel du président américain Carter, décidèrent de boycotter les Jeux en raison de l'occupation, par l'URSS, de l'Afghanistan, survenue fin décembre 1979.

Ambassadeur à Moscou à ce moment, j'avais recommandé à notre gouvernement le boycott, estimant qu'il constituerait une sanction minimale pour cette inacceptable action des dirigeants soviétiques. En outre, la déportation, à Gorki, en janvier, de l'académicien Sakharov, inadmissible violation des droits de l'homme, méritait aussi, me semblait-il, d'être sanctionnée. Je n'avais pas été suivi et la France participa aux Jeux. Aussi décidai-je de « partir en congé » le jour de l'arrivée de notre équipe nationale.

Il est satisfaisant qu'à un an de l'ouverture des Jeux de Pékin, le précédent du boycott de 1980 soit évoqué. En effet, si l'occupation du Tibet par la Chine, pour illégale qu'elle soit, relève, hélas, aujourd'hui du « fait accompli », les atteintes aux droits de l`homme, les censures et sanctions contre les journalistes, la chasse aux internautes sont autant de violations, par les dirigeants chinois, des promesses faites en 2001 vis-à-vis du CIO lorsque celui-ci avait choisi Pékin pour les JO de 2008, notamment concernant la liberté des journalistes étrangers et chinois, ainsi que le respect de l'engagement de « préserver la dignité humaine » inscrit dans la charte olympique. Dès lors, si la situation ne s'améliorait pas radicalement d'ici les JO, faudrait-il aller à Pékin ?

S'en prendre à la Chine, en pleine ascension de puissance mondiale, n'est certes pas sans risque. Des contrats importants peuvent être perdus. La Chine peut durcir ses positions là où l'on a besoin d'elle : Onu, Darfour, Corée, Taïwan, prolifération nucléaire. À quoi les adversaires du boycott ajoutent l'argument traditionnel - et non sans valeur - qu'il ne faut pas mélanger sport et politique ni priver les sportifs d'une manifestation qui marque, pour leur carrière, une étape capitale.

À cet argument, l'on peut répondre qu'il arrive aussi à des exportateurs de perdre des contrats en raison de sanctions imposées à un État et qu'il leur faut bien s'incliner. Doit-on aussi retenir l'argument selon lequel les Jeux olympiques créent, dans le pays d'accueil, une atmosphère favorable aux contacts avec le monde extérieur et obligent, en particulier, les régimes où existent des contraintes sur les libertés à s'ouvrir ? Malheureusement, l'expérience historique ne va pas dans ce sens : ni Hitler, après Munich en 1936, ni Brejnev et son Politburo, après Moscou en 1980, n'ont en quoi que ce soit relâché leur pression sur tout opposant, contestataire ou dissident.

La France, nous a-t-on dit - et il faut s'en féliciter - entend faire de la défense des droits de l'homme un axe de sa politique étrangère. Elle a donc là une bonne occasion de le démontrer. Aussi pourrait-elle proposer à ses partenaires de l'Union européenne, si les choses demeuraient en 2008 ce qu'elles sont aujourd'hui, d'adopter une position commune, position qui pourrait être la suivante : sur le plan de la représentation de l'État, nul ministre, ambassadeur, diplomate ou fonctionnaire, ne serait autorisé à assister aux Jeux. Les élus et parlementaires ont, cela va de soi, toute liberté de se rendre à Pékin, mais il faut espérer que même les groupes d'amitié avec la Chine s'en abstiendraient. Quant aux sportifs, libre à eux d'y aller ou pas et, bien entendu, sans aucune sanction pour ceux qui iraient.

Puissent les vingt-sept Européens faire comprendre à la Chine, en temps utile, qu'accueillir les Jeux olympiques est un honneur qui se paie !

Henri Froment-Meurice (*)

(*) Ambassadeur de France.

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