Une lettre du pape aux Chinois

Éditorial par François Régis Hutin

Entre dix et quatorze millions de Chinois sont catholiques. Ils vivent des situations très différentes : tolérés ici, là ils sont persécutés. Cela dépend des régions, des moments. Plusieurs prêtres, évêques, fidèles sont en prison, parfois depuis des années...

Ces catholiques sont divisés entre Église officielle, reconnue par le pouvoir, et l'Église clandestine souterraine qui se cache plus ou moins. D'une manière assez générale, l'Église chinoise et ses chrétiens n'ont pas connu « la richesse du renouveau apporté par le concile Vatican II » (1). De plus, les évêques sont très âgés : sur 148 diocèses, 60 % des évêques ont plus de 80 ans. Une cinquantaine sont morts depuis 2000. C'est ce qui explique et accroît les difficultés permanentes entre le Vatican et Pékin. En effet, le gouvernement chinois continue à nommer des évêques sans en référer au pape. Même si, souvent, ces évêques disent ensuite reconnaître leur lien avec le pape, certains continuent à l'ignorer. L'on se trouve alors en face de trois catégories d'évêques : ceux qui ont été ordonnés clandestinement et conduisent l'Église souterraine ; ceux qui ont été ordonnés de façon valide, mais désignés par le gouvernement de Pékin, sous couvert de l'alliance patriotique, et qui ne reconnaissent pas l'autorité du pape ; ceux, enfin, qui ont été désignés par le gouvernement comme les précédents, mais se déclarent plus ou moins discrètement fidèles au pape.

La situation devient donc très compliquée et c'est ce qui a incité Benoît XVI à écrire une longue lettre aux fidèles et aux évêques de ces deux Églises les incitant à « une douloureuse réconciliation » (1).

Le bien du peuple et le développement du pays

En effet, on conçoit combien il doit être difficile, pour les persécutés de l'Église souterraine, « ceux qui ont porté le poids du jour et de la chaleur » (1), de pardonner à leurs frères de l'Église officielle, alliée à leurs persécuteurs. Ces clandestins ont résisté, durant des années, au prix, parfois, de leur liberté et même de leur vie, et voilà que le pape leur demande de s'unir à ceux dont ils se méfient depuis plus d'un demi-siècle ! Certes, le pape n'admet pas les prétentions de l'Alliance patriotique qui préconise l'autonomie de l'Église de Chine, mais il souhaite que le dialogue puisse exister sur tout ce qui ne touche pas à l'unité de l'Église et ne nuit pas aux principes de la foi. Dialogue qui doit s'étendre au gouvernement chinois pour obtenir un accord sur la nomination des évêques. Aux laïcs, le pape recommande de travailler dans l'esprit de l'Évangile pour « le bien du peuple et le développement du pays » (1), montrant ainsi qu'il ne se désintéresse pas de l'avenir et de la prospérité de la Chine, bien au contraire.

Derrière tout cela, du côté chinois, c'est bien le problème de la démocratie et des droits de l'homme en ce pays qui se trouve posé, même si les Églises ont davantage de liberté aujourd'hui. À Hong-Kong, le slogan des autorités chinoises, c'est : « Un pays, deux systèmes » (1). Mais, selon le courageux cardinal Zen, archevêque de Hong-Kong, si les dirigeants chinois veulent effectivement faire avancer la démocratie, ils devraient aller jusqu'à dire : « Un pays, deux cultures. » Ce qui est loin de leurs pratiques...

Du côté de l'Église catholique, ce qui apparaît, c'est la dramatique division des chrétiens à laquelle il est temps de mettre fin pour retrouver l'unité dans la communion ecclésiale. C'est cette unité de l'Église qui apparaît, chaque jour, davantage comme la préoccupation majeure de Benoît XVI.

La question est aussi de savoir si les Jeux olympiques peuvent favoriser une plus grande ouverture, s'ils peuvent être l'occasion qu'il faut saisir pour faire progresser les droits de l'homme dans ce pays continent.

(1) Lettre du pape aux évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs de l'Église catholique en République populaire de Chine.