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Gauche ouvrière et chrétienne
26 février 2007

L'Iran, la Corée du Nord et le nucléaire

    par Dominique Moïsi (*)
       

 

   

 

   

   

Il faut faire preuve de prudence avec le régime de la Corée du Nord. Il n'en demeure pas moins que son dirigeant, Kim Jong-il, s'est engagé à mettre fin à ses programmes nucléaires, en échange d'une reconnaissance diplomatique par la communauté internationale, en particulier les États-Unis, et d'une aide importante en pétrole et en autres ressources. La réussite de la négociation menée entre six pays - les États-Unis, le Japon, la Russie, la Chine et les deux Corées - doit beaucoup à l'engagement de la diplomatie chinoise qui confirme son nouveau statut international.

Au moment même où cet accord était signé à Pékin, la cellule de politique étrangère de l'Union européenne, dirigée par l'Espagnol Javier Solana, concluait que la diplomatie avait échoué et que seules les difficultés techniques - et non les pressions politiques - avaient contribué un peu à ralentir les progrès de l'Iran vers l'atome. L'Agence nucléaire de l'Onu a affirmé, de son côté, jeudi, que Téhéran, au lieu de geler ses activités d'enrichissement, les augmente.

Comment expliquer ce contraste entre la Corée du Nord et l'Iran, et le fait qu'il soit plus facile d'atteindre un accord avec une puissance déjà nucléaire, comme la Corée du Nord, qu'avec un pays qui ne l'est pas encore ? Pour les uns, il suffirait que Washington accepte d'ouvrir un dialogue direct avec le régime de Téhéran, comme il vient de le faire avec Pyongyang, pour obtenir des concessions de l'Iran. La menace du bâton ne peut remplacer l'existence d'une véritable carotte diplomatique.

Pour d'autres, la différence tient aux comportements divergents de la Chine en Asie et de la Russie au Moyen-Orient. La Chine, inquiète, sans doute, d'une escalade à ses frontières et d'un afflux éventuel de réfugiés nord-coréens sur son territoire, désireuse aussi d'affirmer son autorité, se comporte de manière positive. La Russie, à l'inverse, n'a pas encore choisi entre son inquiétude face à un Iran aux portes de l'atome et sa satisfaction, à peine déguisée, de voir l'Amérique toujours plus affaiblie par ses difficultés au Moyen-Orient. Pour d'autres, enfin, seule une Union européenne, forte et résolue dans sa volonté d'appliquer des sanctions économiques, pourrait faire reculer Téhéran.

La différence entre le comportement de la Corée du Nord et de l'Iran tient aux deux pays eux-mêmes et aux regards contrastés qu'ils portent sur leur identité. Se considérant légitimement héritier d'une grande civilisation, l'Iran joue spontanément de son droit à l'atome ; le Pakistan, sans parler d'Israël, n'y a-t-il pas accès ? La Corée du Nord, à l'inverse, a, sans doute, le sentiment d'avoir joué un bon tour à la communauté internationale. Son chantage nucléaire n'est-il pas en train de permettre à son régime « baroque » d'assurer sa survie, au moins à court terme ?

La résolution « temporaire » de la crise asiatique doit permettre à la communauté internationale de concentrer tous ses efforts sur la question iranienne. Du côté de l'administration Bush, la tentation est grande de compenser les « pertes de l'Irak » par une frappe éclair sur les installations nucléaires iraniennes. Israël considère comme inacceptable de vivre à l'ombre d'un régime qui a pour objectif déclaré son annihilation et qui aurait peut-être les moyens de le faire.

La prolifération généralisée du nucléaire militaire n'est pas la garantie d'un monde plus sûr. Elle représente, au contraire, la multiplication des risques de marche vers l'abîme.

(*) Conseiller spécial à l'Ifri (Institut français des relations internationales).

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