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Gauche ouvrière et chrétienne
17 octobre 2008

Barack Obama suscite espoir et doutes chez les Noirs américains

REUTERS - jeudi 16 octobre 2008

Barack Obama suscite espoir et doutes chez les Noirs américains

par Andrea Hopkins

CINCINNATI, Ohio (Reuters) - Sharrell Shields reflète le sentiment de nombreux Noirs américains lorsqu'elle avoue commencer à croire que Barack Obama sera le prochain président des Etats-Unis, tout en manifestant encore un grand scepticisme.

A trois semaines du scrutin, les sondages accordent l'avantage, voire une confortable avance au candidat démocrate de père kényan et de mère américaine, qui serait le premier Afro-Américain à accéder à la Maison blanche.

Mais une partie de la communauté noire redoute une nouvelle désillusion, après des décennies de lutte en dents de scie pour faire progresser l'égalité civique.

"Je suis partagée à 50-50 sur ses chances de victoire", confie Sharrell Shields, une étudiante de 18 ans qui milite pour Obama. "Quand on sera en novembre, qu'on y sera presque, alors j'y croirai. Pour l'instant, je continue à croiser les doigts."

A 60 ans, Brenda Girton-Mitchell, pasteur baptiste et partisane d'Obama, dit avoir assez de foi dans la "psyché humaine" pour penser que son candidat battra son rival républicain John McCain.

Mais elle se méfie des enquêtes d'opinion qui ont déjà surestimé le vote en faveur d'un candidat noir, comme lors de la défaite restée célèbre de Tom Bradley, battu en 1982 pour le poste de gouverneur de Californie après avoir été donné vainqueur dans les sondages.

"Très souvent, les gens ne sont pas très honnêtes en ce qui concerne la race ou le sexe. Ils disent ce qui est politiquement correct", dit-elle. "Je suis sûre qu'il y a des gens capables de dire en public : 'je peux voter pour un Noir' et qui changent d'avis en arrivant au bureau de vote."

Les Afro-Américains ont dû se battre longtemps, jusqu'au milieu des années 1960, pour faire valoir leur droit de voter dans le Sud des Etats-Unis, où les autorités ont soutenu une violente campagne marquée par des meurtres pour empêcher les Noirs de s'inscrire sur les listes électorales.

Depuis lors, les Noirs, qui représentent environ 13% de la population américaine, ont voté massivement pour les démocrates et leur taux de participation devrait augmenter cette année en raison de l'enthousiasme que suscite la candidature d'Obama.

"UNE VICTOIRE FERA PEUR"

S'ils seront jusqu'à 95% à voter pour le sénateur de l'Illinois, selon les sondages, la peur d'une déception alimente les esprits.

"Nous avons toutes les raisons d'être pessimistes étant donné notre histoire et nos expériences dans ce pays", déclare l'écrivain Gil Robertson. "Il y a de l'espoir mais je dis aux gens : 'Ne vous emportez pas parce que vous pourriez être très déçus'."

Todd Shaw, professeur de sciences politiques à l'université de Caroline du Sud, estime que la communauté afro-américaine est divisée entre cynisme et optimisme.

"Il y a une envie d'y croire quand Obama parle de la promesse américaine mais on n'oublie pas non plus que la race est un champ miné dans la vie politique américaine", dit-il.

Valerie Freeman, une électrice noire du Missouri âgée de 37 ans, est très sceptique : "Une victoire fera peur. Beaucoup de gens ne l'assumeront pas. Plus ça va devenir proche de la réalité, plus les gens vont montrer qui ils sont vraiment. On aime bien penser que l'Amérique est un pays progressiste, mais ce n'est pas encore le cas."

D'autres veulent y croire. "Je suis très confiant", déclare Ron Busby, président de la chambre de commerce noire du grand Phoenix, en Arizona. "Jamais nous n'avons eu une telle occasion, jamais nous n'avons eu un tel candidat."

Il juge d'ailleurs que des électeurs républicains qui se disent opposés à Barack Obama pourraient bien voter en faveur du sénateur de l'Illinois, inversant ainsi l'"effet Bradley".

"Je me suis retrouvé dans des situations où je portais un badge Obama et où des personnes âgées blanches m'ont chuchoté : 'Vous savez, j'ai été républicaine toute ma vie, mais je voterai pour lui'," raconte-t-il.

Thelma Davis, une enseignante à la retraite de Cincinnati âgée de 73 ans, est aussi persuadée de voir un Noir devenir président des Etats-Unis, alors que son propre père a été empêché de voter.

"Beaucoup de gens de mon âge sont enthousiastes parce qu'ils se souviennent de l'époque où ils ne pouvaient même pas voter. Maintenant je dis à mes petits-enfants : 'Vous pouvez être tout ce que vous voulez'."

Avec Ross Colvin à Washington, Matt Bigg à Atlanta, Carey Gillam à Kansas City, Tim Gaynor à Phoenix et Andrew Stern à Chicago, version française Jean-Stéphane Brosse

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