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Gauche ouvrière et chrétienne
29 avril 2008

Charles Picqué : "Certains Flamands rêvent d'une sorte de mur autour de Bruxelles"

LE MONDE | 29.04.08

Bruxelles, correspondant

Majoritaires au Parlement belge, les députés flamands entendent voter – sans doute le 8 mai – la scission de l'arrondissement électoral et judiciaire bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde ("BHV") pour consacrer l'unité du territoire flamand et le caractère intangible de la "frontière linguistique" séparant la Flandre de la Wallonie. Bruxelles est une région à part entière, comme la Flandre et la Wallonie, mais Hal et Vilvorde font partie de la région flamande. Le vote, prolongeant celui acquis en commission en novembre 2007, déclencherait une nouvelle crise gouvernementale et peut-être une vraie crise de régime. Charles Picqué, ministre-président PS de la région de Bruxelles, majoritairement francophone, mais enclavée en territoire flamand, plaide pour une solution négociée.

Pourquoi, à vos yeux, une scission de BHV aurait-elle de graves conséquences ?

Ce problème est lié à la protection de dizaines de milliers de francophones vivant en territoire flamand, dans la périphérie de Bruxelles. Mais il est aussi lié à la symbolique d'un éventuel enclavement définitif de Bruxelles dans la région flamande. Faire disparaître cette frontière administrative me semble d'autant moins fondamental et bénéfique que l'on ferait disparaître, en réalité, une structure associant la capitale à son hinterland économique, Hal et Vilvorde. Certains Flamands rêvent d'une sorte de "mur" autour de Bruxelles, et cette exigence d'intégrité territoriale me rend pessimiste quant à leur réelle envie de bien gérer Bruxelles, dans l'intérêt des deux régions.

Que proposez-vous ?

D'intégrer le sort de cet arrondissement dans la grande négociation globale qui a été envisagée avant la formation du gouvernement fédéral. Les partis francophones poseront alors des conditions quant au maintien du système de "facilités" pour les francophones de la périphérie et à l'extension des limites de la région bruxelloise.

Vous avez proposé, avec votre homologue wallon Rudy Demotte, de fédérer la Wallonie et Bruxelles, laquelle resterait bilingue et ouverte aux Flamands. Vous anticipez un éclatement du pays ?

On n'en est pas là. Ni Bruxelles ni la Wallonie ne veulent la séparation, mais la structure proche du confédéralisme qui s'ébauche en Flandre nous oblige à envisager des coopérations renforcées, sur une base volontaire. Nous ne voulons pas que Bruxelles soit phagocytée. Elle doit être dotée des pleins pouvoirs régionaux et refinancée.

Que veulent faire les Flamands de Bruxelles ?

Certains rêvent de voir la ville aspirée dans la zone d'influence de la Flandre ; d'autres envisagent sa cogestion par la Flandre et la Wallonie. Cette stratégie vise à instrumentaliser Bruxelles à des fins économiques et de notoriété internationale.

Quel est, selon vous, l'avenir du gouvernement fédéral d'Yves Leterme ?

Il y a trois hypothèses. Premièrement, une nouvelle confrontation. Deuxièmement, un lent pourrissement qui ne ferait qu'exacerber les tensions et la forme de délire dans laquelle sombrent certains milieux flamands, qui donnent d'ailleurs de leur région une image très négative à l'étranger. Ou, troisièmement, une négociation menée dans la sagesse et sans tabous qui scellerait une paix durable entre les communautés. Je crois que si Bruxelles réalise la pacification au sein d'une région bilingue, beaucoup de Flamands de Bruxelles seront désireux de participer pleinement à cette expérience.

Le statut européen de Bruxelles vous protège-t-il ?

Il réduit les risques d'une rupture "belgo-belge". Peut-être la rendra-t-il impossible. Si Bruxelles avait été une ville sans intérêt ou n'avait pas existé, la fracture belge serait consommée depuis longtemps. La région et la Commission européenne ont commencé une véritable collaboration et nos stratégies de développement intègrent de plus en plus la présence de l'Europe à Bruxelles.

Propos recueillis par Jean-Pierre Stroobants

Article paru dans l'édition du 30.04.08.

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