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Gauche ouvrière et chrétienne
31 janvier 2008

«Je me sens plus mort que les morts»

Nous avons vu que certains s'étonnent qu'il n' y ait pas de lettres des prisonniers farcs ,qui sont dans les prisons colombiennes,ils n'ont peut être pas tord de vouloir savoir quel sort ces personnes ont ,elles aussi.

Les lettres ci dessus  montrent comment les farcs traitent leurs prisonniers et ou en ait le moral de ces derniers

Des deux cotés ce sont des prisonniers de guerre qui devraient être traités comme des humains et non comme des bêtes

Le Président de la G.O.C.

Libérées par les Farc le 10 janvier, Clara Rojas et Consuelo González de Perdomo ont rapporté des lettres d’otages adressées à leurs proches. Elles racontent la captivité, la maladie, les tentatives d’évasion… Extraits.

JEAN-HÉBERT ARMENGAUD

QUOTIDIEN : mardi 29 janvier 2008

De l’enfer de leur captivité, Clara Rojas et Consuelo González de Perdomo, qui ont été libérées le 10 janvier, ont rapporté les lettres de huit autres otages des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Certaines familles ont préféré garder ces lettres pour elles ; d’autres ont choisi de les rendre publiques. Tous ces récits - ainsi que celui du policier John Frank Pinchao, retenu par la guérilla durant neuf ans, qui est parvenu à s’enfuir en mai 2007 et qui publie un livre sur son expérience - permettent d’en savoir un peu plus sur les conditions de vie des otages, leur fragile état de santé, leur désarroi, leur état d’esprit après tant d’années dans les campements des Farc.

Depuis leur libération, Clara Rojas, l’ex-directrice de campagne de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, candidate à la présidentielle de mai 2002, et la députée Consuelo González de Perdomo ont commencé, elles aussi, à témoigner, par bribes, dans les médias colombiens. En voici des extraits tirés notamment de Radio Caracol, de l’hebdomadaire Semana et du quotidien Tiempo. Les Farc retiennent encore aujourd’hui plus de 700 otages, dont la plupart sont échangeables contre des rançons. Mais la guérilla séquestre aussi 44 otages dits «politiques», dont la libération suppose un accord avec le gouvernement colombien : 14 militaires, 19 policiers, 8 personnalités politiques et 3 Américains - des «soldats privés» engagés dans la lutte antidrogue en Colombie.

Le 21 décembre dernier, les deux plus anciens otages des Farc, des caporaux de l’armée de terre colombienne, sont entrés dans leur… onzième année de captivité.

«Transformé en chiffon que chacun tire de son côté»

Lettre à sa famille du lieutenant de police William Donato, enlevé le 8 avril 1998.

«Personne ne peut s’imaginer la douleur provoquée par cette absence de communication si longue et si perverse […]. Tout ce temps, j’ai payé des intérêts énormes à cette misérable banque appelée «enlèvements» et parfois je me sens plus mort que les morts de mener cette vie si dégradante et sans le moindre sens. Il n’y a pas de mots pour décrire une journée d’otage mais j’ai trouvé comment vivre. J’ai trouvé en moi une force qui me donne l’énergie nécessaire pour affronter les moments difficiles et les périodes de maladie […]. Une force que j’ai trouvée dans l’amour que vous m’avez apporté et dans cet espoir de me retrouver un jour à vos côtés. […]

Je suis conscient d’être dans une situation qui a une solution facile. Mais ceux qui détiennent cette solution la rendent difficile. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils nous ont transformés en torchon, en chiffon que chacune des parties tire à soi pour tenter d’en garder le meilleur morceau. Et c’est ça qui nous fait sentir que nous n’existons pas, que nous ne valons rien […]. Où est la valeur de la vie ? Où est la part d’humanité chez ceux qui ont le pouvoir de décider de notre liberté ?

«Attaché à un poteau avec des chaînes au cou»

Lettre à sa famille du colonel de police Luis Mendieta, enlevé le 11 janvier 1998.

«Ça a commencé par des douleurs dans les jambes, aux os et aux articulations. J’avais les pieds enflammés. Aux débuts de la maladie, je marchais avec un bâton. Les longues marches continuaient. Je m’affaiblissais toujours. Je boitais. Après, j’ai marché avec deux branches d’arbre fourchées qui me servaient de béquilles. Je crois que mes vaisseaux sanguins étaient infectés. Mes jambes ont pris une couleur foncée, presque noire. J’ai craint le pire […]. Jusqu’à ce qu’un jour, je n’aie plus pu me lever […].

Ils me transportaient sur une sorte de brancard […]. Ils me laissaient dans des endroits plein de bestioles, mouches, moustiques, fourmis de taille et de couleur diverses, guêpes. Pour faire mes besoins, je me traînais dans la boue, avec juste l’aide de mes bras parce que je ne tenais plus debout […]. Mais grâce à Dieu, ils m’ont donné un vaccin antitétanique puis quelques jours plus tard, des injections de pénicilline […]. Combien de temps ai-je été malade ? Je ne sais pas. J’ai dû rester cinq semaines sans pouvoir marcher.

Alors que je commençais à peine ma convalescence, il y a eu un incident et des sortes de malentendus. Quelqu’un a alors décidé de me rattacher à un poteau avec des chaînes au cou. […] Je dirais que j’ai été en bonne santé pendant les six premières années. Après, tout s’est peu à peu détérioré […]. J’ai fait deux crises de paludisme, dont une qui a duré vingt jours […]. Depuis plus d’un an et demi, j’ai des douleurs à la poitrine, du côté du cœur […]. Dans le dos, j’ai une grande tache brune […].

Ces quatre dernières années, nous n’avons eu aucun livre à lire. Parfois, ils nous apportent les revues Semana et Cambio, que nous lisons et relisons […]. Parfois, Alan, Donato, Murillo [d’autres otages] et moi, nous prenons une heure pour apprendre l’anglais. D’autres fois, le russe […]. Pourtant, avec l’âge, les neurones perdus à cause des maladies, le manque de livres, de cahiers, ce travail est difficile […].

Ce n’est pas la douleur physique qui me freine, ni les chaînes au cou qui me tourmentent, mais c’est l’agonie mentale, la malfaisance du méchant et l’indifférence du bon, comme si nous ne valions rien, comme si nous n’existions pas…»

«Je veux te demander, Lucy mon amour…»

Lettre à sa femme de Jorge Eduardo Géchem, député, enlevé le 19 février 2002.

«Lucy qui est toute ma vie, mes problèmes de santé, je dois les évoquer avec objectivité. J’ai beaucoup souffert : les problèmes cardiaques (cinq attaques fortes et deux légères), la colonne vertébrale, la lésion très forte de la quatrième lombaire. […] je ne peux me pencher que difficilement, je ne peux rien porter, je ne peux pas laver mes vêtements, ni même ma cuillère, parce qu’il faudrait que je porte de l’eau et je ne peux pas… J’ai souvent mal à la tête, après un coup sur la tête quand ils me transportaient sur un hamac et qu’ils ont glissé en traversant un ruisseau.

Je veux te demander, Lucy, mon amour, de prendre la tête d’un mouvement de solidarité dans le pays et dans le monde sur mon cas. J’ai pensé à deux alternatives pour mon grave état de santé. La première : demander au président Fidel Castro qu’il intervienne auprès du président [colombien] Uribe et du secrétariat des Farc [l’instance dirigeante du mouvement], et propose mon transfert dans un hôpital de La Havane pour me soigner. Si je me remets, j’irai dans une prison cubaine, en ma qualité de prisonnier politique, en attente d’un accord humanitaire. La seconde : demander au président [vénézuélien] Chávez, au président Sarkozy […], à monseigneur Castro [président de la conférence épiscopale colombienne] d’intervenir auprès du président Uribe et du secrétariat des Farc en faveur d’un accord humanitaire pour mon cas, pour m’échanger contre des guérilleros prisonniers malades […]. Je veux continuer à vivre, mais si ces propositions n’aboutissent pas, mon drame va se prolonger et ma résistance physique ne durera pas, je me sens fatigué et à l’agonie…»

«La casemate était vide, Ingrid s’était échappée»

John Frank Pinchao, policier détenu durant neuf ans, s’est évadé le 15 mai 2007. Il vient de publier «Mi fuga hacia la libertad» («ma fuite vers la liberté»). Extrait relatant une tentative de fuite d’Ingrid Betancourt et du sénateur Luis Eladio Pérez.

«Quand les guérilleros ont vu qu’il manquait deux paires de bottes, quelqu’un a dit : "Les docteurs ne sont plus là" [pour Ingrid Betancourt et Luis Eladio Pérez, ndlr] […]. Il n’y avait personne dans leur casemate. Ils ont mis en alerte tous les guérilleros. A cette époque courait le bruit d’une éventuelle libération [d’Ingrid Betancourt], mais ils nous ont dit qu’elle s’était échappée […]. Ils ont commencé les recherches autour du campement. Ils criaient en les appelant, mais sans succès […]. Nous voyions rentrer les guérilleros, exténués après de longues marches, tristes et inquiets, parce qu’ils se sentaient condamnés à mort : on disait que si Ingrid parvenait à s’enfuir, les responsables de sa surveillance seraient exécutés.

Au cinquième jour, quelqu’un a dit : "Bonjour, docteurs, comment s’est passée la promenade ?" On n’y croyait pas mais on a vu Lucho [Luis Eladio Pérez] et Ingrid, très maigres et fatigués […]. Les guérilleros se sont mis à plusieurs pour les enchaîner […]. Ingrid résistait. […] Mais ils ont réussi à l’enchaîner de force. Une guérillera lui disait : "Taisez-vous, vous n’avez aucune morale !" Tenter de fuir était selon eux un manque de morale : n’importe quoi ! […].

Ils nous ont brièvement raconté ce qui s’était passé. Luis avait eu des problèmes de santé et le peu de nourriture qu’ils avaient emporté n’avait pas été suffisant. […] Ils ont pensé demander de l’aide à des pêcheurs […]. Ils ont vu une pirogue […]. Ils sont montés. Mais c’étaient des guérilleros : "Montez, f… de p…" Ils les ont ramenés au campement.»

«Nous nous sommes laissé porter par la tristesse»

Témoignage de Clara Rojas, l’amie et collaboratrice politique d’Ingrid Betancourt, enlevée le 23 février 2002, libérée le 10 janvier 2008. Extrait d’un récent entretien à Radio Caracol.

«La prise d’otages est un crime contre l’humanité […] Les soldats et policiers [otages] vivent toute la journée avec une chaîne autour du cou. Quoi qu’ils fassent, où qu’ils aillent, se baigner, laver leurs vêtements, ils portent leurs chaînes. Nous vivions des situations à risques, horribles. Les hélicoptères de l’armée tirant à la mitrailleuse s’approchaient de très près. […]

Je n’ai pas de nouvelles du papa [de son enfant, Emmanuel, né après une liaison avec un guérillero, le 16 avril 2004]. Je ne sais même pas s’il sait qu’il est le père de l’enfant […]. Je n’ai pas la moindre idée si les Farc savent qui c’est, j’ai eu une information selon laquelle il pourrait être mort […]. J’étais très inquiète pour la santé d’Emmanuel. Son bras était cassé depuis sa naissance […].

J’ai écrit au secrétariat des Farc, pour qu’ils confient l’enfant à ma mère, à travers le Comité international de la Croix-Rouge, mais je n’ai jamais reçu de réponse. Ensuite, ils m’ont convaincu que c’était mieux de m’en séparer. Ils m’ont dit qu’ils s’arrangeraient pour le faire soigner et me le rendraient dans les quinze jours […].

Je ne sais plus rien d’Ingrid depuis trois ans. Nos relations s’étaient détériorées après l’échec d’une tentative de fuite. Nous nous accusions mutuellement de ce ratage. Nous n’avions plus la même énergie, nous avons perdu le sens de l’humour, nous ne mangions plus, nous nous sommes laissé porter par la tristesse.»

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