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Gauche ouvrière et chrétienne
30 janvier 2008

Le gouvernement kényan tape du poing sur la table

Par Andrew Cawthorne et C. Bryson Hull Reuters -

NAIROBI (Reuters) - Le gouvernement du président réélu Mwai Kibaki promet de faire preuve de fermeté pour rétablir l'ordre et rouvrir les voies de communication au moment où le Kenya est aspiré par une spirale de violence post-électorale sans précédent depuis l'indépendance en 1963.

Les manifestations contre la réélection le 27 décembre du président Mwai Kibaki, accusé par ses opposants de fraude électorale, ont dégénéré en affrontements à connotation ethnique entre factions rivales, réveillant de vieux contentieux fonciers.

Ces violences, qui ont fait plus de 850 morts et 300.000 déplacés en un mois, ont amené les Etats-Unis à dénoncer "le nettoyage ethnique" en cours dans la vallée du Rift, une zone fertile de l'Ouest où vivent imbriquées de nombreuses ethnies rivales.

"Il existe des efforts concertés pour chasser les gens de la vallée du Rift (...) Il s'agit, à l'évidence, d'épuration ethnique", a déclaré à Addis-Abeba Jendayi Frazer, secrétaire d'Etat adjointe américaine chargée de l'Afrique, sans aller jusqu'à parler de "génocide", comme les Etats-Unis l'ont fait pour le Darfour soudanais.

De son côté, le président Paul Kagame du Rwanda voisin, victime en 1994 d'un génocide qui a fait environ 800.000 morts en cent jours, n'a pas exclu l'éventualité d'un coup de force de l'armée kenyane "pour arrêter dans l'urgence les tueries en cours".

Annonçant la création d'un fonds d'aide aux personnes déplacées d'un montant de 14 millions de dollars, Kibaki a frappé du poing sur la table.

APPEL DU PRIX NOBEL DE LA PAIX

"Nous n'hésiterons pas à prendre des mesures de fermeté contre tous ceux qui chercheront à créer ou créeront des situations d'insécurité", a-t-il dit dans un discours. "Nous ne tolérerons pas ceux qui n'ont aucun respect pour la vie humaine ou la propriété privée."

Il a également invité les victimes des violences à s'abstenir de se venger, leur conseillant de se fier plutôt aux forces de sécurité "qui ont reçu l'ordre très strict d'agir avec la plus grande fermeté contre ceux qui financent, inspirent et commettent des actes de violence et de sabotage".

Kibaki se rendra jeudi en Ethiopie pour participer à une réunion de l'Union africaine qui devrait être dominée par la crise kényane.

De son côté, son ministre de la Sécurité intérieure, George Saitoti, a prévenu que la police ne tolérerait plus aucune violence et agirait pour maintenir ouverts les grands axes de communication terrestres et ferroviaires, vitaux pour l'économie du Kenya et de celles des pays de la région (Ouganda, Burundi, Rwanda et Sud-Soudan).

"Nous avons décidé d'agir cette fois avec la plus grande fermeté et nous ne permettrons pas aux criminels et aux voyous de semer la terreur en toute impunité", a dit le ministre.

Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la paix 2004 pour son combat contre la déforestation au Kenya, est intervenue mercredi pour inviter les anciens à s'impliquer et exhorter les jeunes de toutes les communautés "à faire cesser la spirale de la violence et des représailles".

"J'exhorte la jeunesse à cesser les violences, à s'arrêter de s'entre-tuer. La communauté internationale nous soutiendra, mais en dernière analyse, il incombe, à nous Kényans, de s'asseoir autour d'une table pour régler les problèmes", a-t-elle dit après avoir rencontré des anciens de l'ethnie kikuyu.

"LA POSSIBILITE D'UNE GUERRE CIVILE"

La situation s'est aggravée ces derniers jours dans la vallée du Rift, où les barrages érigés par des jeunes en colère ont très sérieusement perturbé les convois destinés aux pays de la région dont les économies sont très dépendantes du port kényan de Mombasa, sur le littoral de l'océan Indien.

Dans le centre de Nairobi, militants pacifistes et simples citoyens ont déposé mercredi des couronnes de fleurs à la mémoire des victimes des violences, avec pour légende les mots "Paix", "Amour", "Pardon", ou encore cet appel: "Arrêtez les tueries".

La médiation de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan est entrée mercredi dans sa deuxième journée pour tenter de "rétablir les ponts" entre Kibaki et le chef de l'opposition Raila Odinga, candidat malheureux du Mouvement démocratique orange (ODM) au scrutin du 27 décembre.

Les deux parties campent sur leurs positions et leurs franges radicales semblent ralentir le processus.

Kibaki entend être avant tout reconnu comme le président légitime mais a accepté d'étudier la possibilité d'un partage du pouvoir. Odinga se considère de son côté lui aussi comme le chef de l'Etat légitime et demande soit la démission de Kibaki, soit un nouveau vote après une période de partage du pouvoir.

Les deux rivaux sont accusés d'avoir attisé les tensions entre communautés à des fins électorales, puis de les avoir laissées s'aggraver en n'appelant pas au calme ou, pour l'ODM, en contestant le résultat du scrutin.

"Chaque image de maison rasée, chaque photographie de flaque de sang séché rappelle de façon effrayante les profonds clivages qui ont fait un mirage de l'unité légendaire du Kenya", déplore dans un éditorial le Daily Nation, premier quotidien du pays.

"La possibilité d'une guerre civile n'est pas invraisemblable et le processus de réconciliation et de reconstruction paraît une tâche colossale", poursuit le texte, estimant que Kibaki, en tant que chef de l'Etat, porterait la responsabilité d'une "désintégration du Kenya".

Avec Joseph Sudah, Jack Kimball et Duncan Miriri à Nairobi et Adrian Croft à Londres. Version française Grégory Schwartz, Jean-Loup Fiévet et Nicole Dupont

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