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Gauche ouvrière et chrétienne
18 janvier 2008

Clandestins : les chiffres et la polémique

Le nombre de clandestins présents en France a baissé de 6% en 2007, affirme Brice Hortefeux. Mais son mode de calcul est contesté.

Pour Patrick Weil, spécialiste reconnu de l'histoire de l'immigration, les quotas sur lesquels s'appuie le ministre sont "peu fiables".

Franck LEFEBVRE - le 18/01/2008 - 17h56

Nicolas Sarkozy l'a rappelé encore récemment lors de ses voeux à la presse : il compte faire de l'immigration l'une de ses priorités pour 2008. "Il faut aller jusqu'au bout d'une politique fondée sur des quotas. Tout le monde sait que c'est la seule solution". Pourtant, en décalage par rapport à cette volonté affichée, son ministre de l'Immigration avait dû reconnaître la veille sur France Info ne pas avoir atteint l'objectif de 25.000 "éloignements" d'étrangers en situation irrégulière qui lui avait été assigné pour 2007, évoquant une fourchette de 23.000 à 24.000.

Aujourd'hui, Brice Hortefeux a affiné ses chiffres et son bilan. Dans une interview au Figaro Magazine, il affirme ainsi que le nombre de clandestins a diminué de 6% en 2007. Comment obtient-il ce pourcentage, alors que les estimations officielles du nombre des clandestins présents en France oscillent entre 200.000 et 400.000 - une fourchette qui semble trop large pour permettre de suivre de manière fine leur évolution ? A l'appui de ses dires, Brice Hortefeux cite "quatre indicateurs".

"Par définition, l'immigration clandestine ne peut pas être comptée"

En premier lieu, détaille-t-il, le nombre de sans-papiers bénéficiant de l'aide médicale d'Etat a baissé de 4% entre septembre 2006 et septembre 2007. Ensuite,  le ministre de l'Immigration évoque les "près de 23.200 éloignements" de sans-papiers "raccompagnés dans leur pays d'origine" qui ont eu lieu en 2007 (le chiffre précis, annoncé le 7 janvier de source policière, était de 23.186 expulsions). En troisième lieu, Brice Hortefeux indique que 26.500 étrangers qui tentaient d'entrer illégalement en France ont été refoulés en 2007. Quatrième argument : le nombre de demandes d'asile, assure-t-il, a diminué de 10,5% en 2007. Sur les 35.200 demandes reçues en 2007, 26.400 ont reçu une réponse négative, contre 32.000 l'année précédente. Or, commente Brice Hortefeux, "moins de déboutés, c'est moins de clandestins". Enfin, annonce-t-il, en 2007, 4600 personnes ont quitté la France avec une aide au retour volontaire (contre 2400 l'année précédente).

Des calculs qui sont loin de convaincre Patrick Weil (1), directeur de recherche au CNRS et spécialiste reconnu de l'histoire de l'immigration en France. "Par définition, l'immigration clandestine ne peut pas être comptée", tranche-t-il. Concernant les indicateurs utilisés par Brice Hortefeux, il les juge "peu fiables" - à commencer par le premier d'entre eux : le nombre de sans-papiers bénéficiant de l'aide médicale d'Etat. "Si les gens ont peur d'être interpellés et renvoyés, ils ne vont plus s'enregistrer : la baisse du nombre de bénéficiaires ne veut pas dire que les gens ne sont plus là !"

Cette baisse du nombre de clandestins n'est pas le seul élément du bilan évoqué par Brice Hortefeux, qui se félicite par ailleurs qu'entre 2006 et 2007, le nombre de l'immigration de travail soit passée de "moins de 10.000 personnes à plus de 16.000". Une présentation là encore contestée par le chercheur, pour qui "le bilan en matière d'immigration légale n'est pas très bon : il n'y a pas beaucoup de travailleurs qualifiés qui sont venus travailler en France". Au final, estime-t-il, cette nouvelle évocation du bilan de la politique de l'immigration viserait plutôt à "maintenir le sujet en permanence dans l'actualité, avec en perspective le projet de réforme constitutionnelle dans le sens d'une politique des quotas, sur laquelle travaille la commission Hortefeux".

(1) Patrick Weil est directeur de recherches au CNRS (Centre d'histoire sociale du XXe siècle, Université de paris 1). II est l'auteur notamment de la France et ses étrangers (Calmann-Lévy, 1991) et Qu'est-ce qu'un Français ? (Grasset, 2002). Il par ailleurs été chef de cabinet du secrétariat d'Etat aux immigrés en 1981 et 1982, et membre de la commission Stasi et du Haut Conseil à l'intégration.

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