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e médecin de garde m'a annoncé : 'votre mère sera soignée ici très longtemps, et peut-être même qu'elle n'en sortira jamais'." Tassia évoque sa visite auprès de sa mère, Larissa Arap, militante des droits de l'homme, internée de force depuis le 6 juillet à l'hôpital psychiatrique de Mourmansk, près de la Finlande.
Larissa Arap a été embarquée dans une ambulance alors qu'elle venait effectuer une visite médicale pour renouveler son permis de conduire. Le médecin – après avoir vérifié qu'elle était l'auteur d'un article dénonçant le système psychiatrique local – a appelé la police. Elle a été internée parce qu'elle est un "danger pour elle-même et pour les autres", a indiqué un juge.
A Mourmansk, aucun journal n'évoque cette affaire. "Le rédacteur en chef a subi des pressions, il vaut mieux s'abstenir de parler de ce sujet si on ne veut pas avoir de problème", explique une journaliste du Vetcherni Mourmansk.
En 2004, déjà, affaiblie nerveusement par les pressions dont elle avait été l'objet – agressions près de son appartement, coups de téléphone menaçants, porte cassée –, Larissa Arap s'était rendue chez un médecin. Envoyée dans un hôpital psychiatrique, elle avait obtenu sa sortie grâce au juge qui avait déclaré son internement illégal. De cette expérience, elle a tiré matière pour son article dénonçant notamment l'usage d'électrochocssur les patients.
La famille de Larissa Arap a décidé, lundi 30 juillet, de porter l'affaire auprès du délégué aux droits de l'homme, Vladimir Loukine, et de la présidente de la chambre civile auprès du président russe, Ella Panfilova. "Son arrestation est clairement liée à ses activités politiques d'opposante et à la publication de son article", affirme Marina Litvinovitch, membre, comme Larissa Arap, du Front civil uni, le mouvement d'opposition de Gari Kasparov. "C'est un moyen efficace d'écarter une personne qui gêne : il est plus simple d'interner que de mettre en prison. Toute l'opposition est concernée", ajoute-t-elle. Mme Arap avait participé, à Mourmansk, à la marche du désaccord de Gary Kasparov.
Oleg Panfilov, directeur du Centre du journalisme en situation extrême, connaît au moins deux journalistes internés en hôpital psychiatrique dont Andreï Novikov, rédacteur du site Internet séparatiste Chechenpress, hospitalisé depuis un an. "Tout se passe dans une ambiance préélectorale nerveuse. Les responsables politiques ont été habitués à agir ainsi à l'époque soviétique, ils continuent même si le pays a ouvert ses frontières et son économie." La loi destinée à lutter contre l'extrémisme, adoptée le 6 juillet, fait craindre aux défenseurs des droits de l'homme une répression plus aisée de l'opposition.
Madeleine Vatel
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