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Gauche ouvrière et chrétienne
1 novembre 2006

Une Nouvelle Internationale Syndicale.

Ce ne sont pas des chants révolutionnaires, mais des rondes viennoises qui ont salué, mercredi 1er novembre, la naissance de la Confédération syndicale internationale (CSI). Près de 1 700 délégués syndicaux, en costume, boubou ou coiffés de voiles ou turbans, se sont levés pour applaudir la fin de la guerre froide entre la laïque et réformiste Confédération internationale des syndicats libres (créée en 1949, elle revendique 155 millions d’adhérents) et la chrétienne Confédération mondiale du travail (née en 1920 et rassemblant 27 millions de membres).

Les deux frères ennemis du syndicalisme mondial avaient successivement voté, la veille, leur dissolution, pour créer ensemble, au petit matin, cette nouvelle Internationale « démocratique » et « unifiée dans la diversité ». L’ont rejointe mercredi huit syndicats, qui n’étaient pas ou plus affiliés à une fédération mondiale, comme la CGT française, la CTA argentine ou l’OPZZ polonaise.

Des invités de poids, comme Heinz Fischer, le président autrichien, Juan Somavia, directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), ou, demain, Pascal Lamy, à la tête de l’Organisation mondiale du travail (OMC), se sont déplacés pour pointer le caractère « historique » de l’événement et les espoirs naissants pour une mondialisation plus juste. "Répondre aux défis de l’économie mondialisée..."

« La CSI tourne la page d’un mouvement syndical qui était jusqu’ici davantage marqué par sa division que par son unité. Jamais un mouvement d’une pareille ampleur et d’une telle représentativité n’avait encore existé », s’est ému l’italien Emilio Gabaglio, ancien secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui dispose d’un statut à part au sein de la CSI.

L’objectif, comme l’a résumé Guy Ryder, secrétaire général de la CISL qui devrait prendre la tête vendredi de la nouvelle confédération, est de « répondre aux défis de l’économie mondialisée et d’assurer un travail décent pour tous et plus de justice sociale ».

Dans ses statuts, votés mercredi, la CSI entend défendre les droits sociaux et promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective en se « confrontant aux entreprises multinationales », en se rapprochant d’organisations civiles comme les ONG ou encore en accentuant le lobbying auprès du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale ou de l’Organisation mondiale du commerce.

« Nous voulons que les normes internationales du travail, que sont la liberté syndicale, de négociation, la non-discrimination ou l’interdiction du travail forcé ou des enfants, deviennent des critères de conditionnalité pour ces institutions de la mondialisation, explique Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, qui salue la création de la CSI, dont son syndicat fait partie au même titre que la CFDT, la CFTC et, depuis mercredi, la CGT. Mais pour donner un sens, une lisibilité à cette nouvelle Internationale, il faut proposer des choses concrètes. »

Quelle sera la stratégie syndicale de la CSI ?

« Nous réfléchissons à une journée d’action. Il nous faut démontrer que nous sommes capables de mobiliser les organisations nationales au niveau mondial. Il est urgent de rapprocher l’action syndicale nationale et l’internationale, qui sont trop éloignées l’une de l’autre », explique Guy Ryder.

Quelle sera la stratégie syndicale de la CSI ? Et ses mots d’ordre ?

Ira-t-elle jusqu’à décréter des actions d’arrêt de travail ou de boycott au niveau international ou se contentera-t-elle de négocier et de faire du lobbying ? « La CSI sera ce que nous voudrons en faire ensemble », résume son futur secrétaire général. Pour l’heure, seuls ses statuts ont été votés jeudi 2 novembre. Elle possède aussi son propre logo (un rond orange souligné sur la gauche par une virgule rouge, évoquant un sourire de travers, ou une planète désaxée) et une trilogie prônant « Unité, travail et solidarité ».

Le reste devrait être débattu jeudi 2 et vendredi 3 novembre. La CSI n’exclut pas des négociations avec la Fédération syndicale mondiale (FSM), l’autre organisation mondiale, regroupant 145 syndicats apparentés communistes. Fred Van Leeuwen, son président, a même proposé mardi la création d’un « conseil global international » pour pouvoir travailler ensemble sur certains dossiers.

"Une force de transformation sociale"

Cela ira-t-il jusqu’à la fusion ? Willy Thys, l’ancien directeur général de la CMT et cofondateur de la CSI, souligne, qu’en tant qu’« organisation syndicale démocratique et indépendante », la CSI a « une éthique ». « Nous demandons à ce que chacun de nos membres fasse preuve d’un fonctionnement démocratique et d’une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou des forces de l’argent. Nous voulons être une force de transformation sociale. Pour nous, le travail prime sur le capital. »

Le vote de la dissolution de son organisation, la chrétienne CMT, a été beaucoup plus douloureux que celui de la CISL, dont l’unanimité a même été saluée par le chant de L’Internationale en différentes langues. Une dizaine de syndicats de la CMT, dont un syndicat italien ou bolivien, ont voté contre la nouvelle CSI. « Jamais un vote n’avait été si majoritaire, plus de 95 %, et si peu applaudi », résume un syndicaliste canadien.

« Ce congrès est un temps fort. Mais la diversité est telle que l’on peut aussi bien aller vers un syndicat de la dénonciation que vers un syndicat de proposition et de construction. Le vrai danger serait de choisir vers le plus petit dénominateur commun. C’est davantage un mariage de raison que d’amour », pointe Joseph Thouvenel, chargé des questions internationales à la CFTC. "Face au capital, il faut unifier les rangs du mouvement ouvrier"

Il s’interroge aussi sur le poids important qu’auront, dans la nouvelle organisation, les Américains ou les Japonais, qui ont davantage d’adhérents et donc de droits de vote.

« Face au capital, il faut unifier les rangs du mouvement ouvrier, avoir le même langage, la même stratégie, pour protéger les intérêts sociaux et donner une dimension sociale à cette mondialisation. Mais cette unité ne doit pas camoufler la diversité, que la CSI doit considérer comme une richesse », prévient Mohamed Trabelsi, de l’Union générale tunisienne du travail, qui voit d’un bon œil l’idée d’organiser des grèves ou des actions de boycott de produits au niveau mondial.

Ce n’est pas le cas de François Chérèque, le numéro un de la CFDT, qui pourrait représenter les Français au bureau exécutif de la CSI, à moins qu’un « turn-over » avec ses camarades français ne soit décidé vendredi. Pour lui, le boycott pénalise déjà les salariés qui travaillent dans ces entreprises.

« Notre objectif est de réguler la mondialisation, pas d’être alter ou antimondialisation, avec toujours la volonté de rechercher le consensus. » A trois cents !

Bruno LEROY.

Source : La Croix.

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